13 Feb
13Feb



Abonnés

Il n’y a pas , à proprement parler, d’abonnés aux théâtres de la capitale ; c’est donc à tort que M. Scribe s’est permis de chanter :
Abonnés de l’Opéra-Comique,
Abonnés du sublime Opéra ,
Abonnés de l’Opéra-Buffa , etc.
Il fallait substituer le mot habitués à la qualification d’abonnés ; la poésie du couplet eût perdu sans doute, mais la pureté du langage de coulisses eût été satisfaite dans son exigence, qu’elle pousse très loin, comme chacun sait, en matière de Vaudeville et de mélodrame.
Dans les théâtres des départements il y a désabonnés; MM. les militaires de tous grades abandonnent par mois un jour de leur paie en échange de leurs entrées à la comédie. Aussi, il n’y a pas un caporal à qui Lucrèce Borgia n’ait coûté de cinq à sept sous. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835

Spectateur payant ses entrées à l'avance, pour un mois ou une année. Dans beaucoup de villes de province, les abonnés font la loi aux directeurs et sont l'effroi des débutants. L'abonné à une place numérotée ou à une loge, a seul le droit d'en disposer. L'administration ne peut la louer ni y introduire personne. Il y a exception pour les théâtres dont les représentations ne sont pas quotidiennes l'administration peut en disposer, dans le cas d'une représentation extraordinaire, les jours non compris dans le contrat de location.


Amendes

Les amendes varient suivant l'importance du théâtre et le degré de considération dont jouissent les acteurs. C’est le châtiment infligé, sous forme de peine pécuniaire, à tout artiste ou employé qui manque à son service d’une façon quelconque. L’amende est naturellement proportionnée à l’importance de la faute. Encourt une amende celui qui arrive en retard à une répétition ou à un spectacle, qui manque une répétition, qui fait du bruit en scène ou à l’orchestre, qui vient au théâtre en état d’ivresse, qui provoque du bruit ou du scandale, qui n’est pas costumé comme il doit l’être, qui manque de respect à un régisseur, qui fait manquer la manœuvre d’un décor, etc., etc. Quant à l’artiste chargé d’un rôle important, qui, sans raison valable, fait manquer un spectacle et met le théâtre dans l’obligation de faire relâche, sa conduite soulève une question de dommages-intérêts qui ne peut être tranchée que par les tribunaux. On comprend que l’exactitude et la correction dans le service de tous sont une des conditions indispensables de la bonne marche d’un théâtre ; les amendes n’ont d’autre but que d’obtenir l’une et l’autre. Mais les directeurs et les chefs de service savent faire la part de chacun : infliger des amendes sévères aux serviteurs négligents, et fermer les yeux sur les fautes accidentelles et involontaires de ceux dont ils connaissent la conscience .et le dévouement.

Illustration : Dis donc Virginie… et notre répétition… nous serons à l’amende ? Laisse-moi donc tranquille… le régisseur n’aura rien à nous dire, nous lui prouverons que nous étions en Seine… 

L’Opéra au XIXème siècle. Entre 1844 et 1846. Musée Carnavalet.

Dans l'un des innombrables Règlements destinés à assurer le service de l'Opéra et publiés à cet effet, celui de 1792, qui était l'œuvre de Rancœur et Cellerier, directeurs de ce théâtre, et qui avait reçu l'approbation et la signature de Pétion, maire de Paris, ainsi que celle des administrateurs et officiers municipaux de la Commune, un chapitre spécial, le chapitre XIV, divisé en six articles, était consacré exclusivement à la grosse question des amendes. Il était ainsi conçu : Art.  1. Tous les soirs, après les représentations ou les répétitions, les maîtres de chaque partie   remettront entre les mains du secrétaire général la liste des personnes qui auront été imposées à l’amende, en ayant soin d’y indiquer les motifs qui les auront forcés d’exercer cet acte de rigueur. Le secrétaire en fera son rapport au Comité qui, après avoir prononcé, remettra la liste au caissier, afin qu’il puisse retenir aux sujets, à la fin de chaque mois, la somme dont ils seront redevables. Art.  2. Dès qu’un sujet se sera mis dans le cas d’être imposé à l’amende, il en sera prévenu par une lettre, afin qu’il puisse recourir au Comité, s’il y a lieu à réclamation. Art.  3. Le caissier inscrira sur deux registres le nom des personnes qui auront encouru l’amende, et le montant de la somme à laquelle elle aura été portée.  Un de ces registres restera au Comité, pour prouver aux sujets, qui seront libres de venir le compulser, que personne n’a été favorisé. Art.  4. La somme totale des amendes sera déposée à la caisse. Art.  5. A la fin de chaque année, tous les sujets s’assembleront pour déterminer à quel acte de bienfaisance la masse totale des amendes pourra être appliquée. Art.  6. Comme il ne doit point y avoir de peines sans espoir de récompenses, à la fin de chaque année théâtrale il se tiendra une assemblée générale, dans laquelle il sera distribué des prix d’encouragement à tous les sujets du chant, de la danse et de l’orchestre qui n’auront point été mis à l’amende dans tout le cours de l’année.  Ces prix seront des médailles d’argent ; une attestation signée de tous les membres du Comité d’administration accompagnera cette gratification honorable. Ce dernier article est un pur chef-d'œuvre. Le directeur qui signerait cela aujourd’hui serait bien sûr de ne pas manquer son effet. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.


Le Code pénal des coulisses admet l'amende pour châtiment : en province, le despotisme
directorial fait souvent jeter en prison une princesse rebelle ou un roi de mauvaise humeur ; à Paris, c'est par la retenue de ses appointements que l'artiste expie son manque de zèle, ou son absence sans congé.
Les directeurs, régisseurs, remplissent les fonctions du ministère public, la caisse devient le greffe ; et dans celui-ci, du moins, les condamnés ont la consolation de voir le prix de leurs peines soulager quelques artistes malheureux, ou se verser dans une bourse qui, au prochain relâche, paiera chez le traiteur un repas aux juges, aux exécuteurs et aux coupables. 

Manuel des coulisses ou Guide de l’Amateur Paris. Chez Bezou, Libraire. 1826.


Annonce

‘L’annonce incombe ordinairement au régisseur, qui est tenu d’endosser l’habit noir et de mettre des gants pour venir annoncer aux spectateurs, après avoir fait les trois saluts traditionnels, que M. X , ténor, ayant attrapé un rhume en allant à la chasse au marais, réclame l’indulgence du public, ou bien que Mlle X venant d’être enlevée “subitement”, Mlle W veut bien se charger, par complaisance, et pour ne pas faire manquer la représentation, du rôle de Mlle X. On annonce encore les représentations au bénéfice d’un camarade. Au XVIIe et XVIIIe siècles, l’annonce du spectacle du lendemain était faite chaque jour, au Théâtre-Français, entre les deux pièces, par un acteur de la troupe. Il profitait de cela pour faire l’apologie de la pièce en vogue et pour indiquer celles qui étaient en répétition. Ces harangues demandaient un certain talent d’élocution ; il fallait vanter sa marchandise, sans passer les bornes, et surtout savoir tourner un compliment au public. Dans la dernière moitié du XVIIIe siècle, l’annonce continua d’être faite, non par le premier venu, mais par le dernier venu de la troupe. Cet usage fut entièrement aboli en 1793 et se réfugia dans les spectacles forains, où il subsiste encore : l’annonce s’y fait après la parade sous le nom de “boniment”.’

Faire l’annonce 

Vieil usage que nos mœurs ont conservé avec toute sa burlesque mise en scène, son langage emphatique, ses quatre saluts d’étiquette ; en règle générale, les régisseurs ne
doivent faire l’annonce que dans le cas de catastrophe, d’évanouissement ou de fugue, mais
après un succès, c’est à l'artiste qui a pris la plus grande part à la victoire que doit appartenir le droit de proclamer le nom du vainqueur. Avant la révolution, l’annonce du spectacle du lendemain se faisait chaque soir sur le théâtre.
Les comédiens se sont dérobés à cette servitude journalière. L’usage des compliments de clôture et d’ouverture a tenu un peu plus longtemps ; mais enfin il a disparu à son tour, et maintenant le spectateur est quitte de ces comptes rendus qui avaient toujours la modestie d’un discours de réception académique, et l’humilité d’un gérant qui demande de l’argent à ses actionnaires. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835


Annonce (Parler au public)

Dans tous les théâtres, c’est généralement le premier régisseur qui est chargé de ‘parler au public’, c'est-à-dire de prendre la parole lorsqu’il s’agit de faire une annonce quelconque, soit pour un changement de spectacle, soit pour une substitution d’acteur, soit pour solliciter l’indulgence en faveur d’un artiste indisposé, soit pour toute autre cause.  Naguère, en province, l’engagement du régisseur chargé de ce soin, portait formellement qu’il remplirait les fonctions de ‘régisseur, parlant au public’. C'est qu'en effet, il y a trente  ou quarante ans, alors que, dans certaines grandes villes, les débuts étaient laborieux et orageux, que le public à chaque instant réclamait la présence du régisseur, il fallait à celui-ci une certaine facilité de parole, une réelle habileté, parfois une grande présence d'esprit pour fournir les explications qui lui étaient demandées, faire tête au tapage, et ne pas tomber dans les pièges qui lui étaient tendus par des spectateurs furieux ou par des loustics en humeur d  plaisanterie. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie

Michaud. Régisseur Nouveautés. 1875- 1895. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF


Capitation

Au dix-huitième siècle, et jusqu’à la Révolution, on donnait chaque année à l’Opéra un certain nombre de représentations dites « de capitation », dont la recette était au profit des acteurs de ce théâtre. Voici comment s’exprimait sur ce sujet le règlement pour l’Académie Royale de musique du 1er avril 1792 : « Il y aura chaque année six représentations au bénéfice de tous les sujets de l’Opéra, représentations connues sous le nom de capitations, parce qu’en effet leur est partagé par tête, au prorata des appointements. Pour chaque capitation, les sujets désigneront les ouvrages qui devront être représentés, mais il seront tenus de les choisir parmi ceux qui ont été donnés dans le courant de l’année. »


Côté cour, côté jardin

Au point de vue de l’emplacement et de la pose des décorations, l’emploi des mots :  à droite, à gauche, donnerait lieu au théâtre à des équivoques et à des méprises incessantes, la droite et la gauche pouvant être prises indifféremment selon la situation de l’acteur ou celle du spectateur, qui sont opposées l’une à l’autre.  Pour obvier à cet inconvénient et éviter toute erreur, on avait pris l’habitude, jadis, de désigner les deux côtés de la scène par la place qu’occupaient, sur chaque flanc du théâtre, les deux loges du Roi (place impair), et de la Reine (place pair), situées l’une vis-à- vis de l’autre.  La loge du roi était à la droite de l’acteur, celle de la reine à gauche, et lorsqu’on devait placer un décor à droite, les machinistes disaient ‘Poussez au roi’, si c’était à gauche, ‘Portez à la reine’.  De cette façon, toute confusion était évitée. Mais la Révolution arriva, et bientôt il fut interdit de se servir de ces mots séditieux :  côté du roi, côté de la reine, usités jusqu’alors pour ce service.  Comment faire, on eut l’idée de se régler sur la position qu’occupait, aux Tuileries, le théâtre qui avait servi successivement à l’Opéra, à la Comédie- Française et au Théâtre de Monsieur (Théâtre des Tuileries (salle des Machines)).  Ce théâtre était situé entre le jardin et la cour du palais, et la droite de l’acteur se trouvant dans le sens du jardin, la gauche dans le sens de la cour, on adopta les nouvelles dénominations :  côté jardin, côté cour, pour indiquer la droite et la gauche, toujours prises de l’acteur.  Tous les théâtres de Paris, et bientôt tous ceux de France, se conformèrent à cet usage, et les indications côté jardin, côté cour, se sont perpétuées jusqu’à ce jour. La salle du Théâtre des Tuileries (Salle des Machines) a disparu sous la commune, incendiée. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.

“Theatre Scene" by Franz Xaver Simm (1853-1918).

Salle_des_Machines


Elévation de l'un des côtés de l'Amphithéâtre de la Salle des Machines du Château des Tuilerie à Paris. Anonyme , Graveur Inconnu , Editeur Musée Carnavalet, Histoire de Paris


Coups de talon

Les coups de talon étaient fameux jadis, à l’époque où le drame et le mélodrame étaient eu pleine efflorescence et passionnaient le public des théâtres de boulevards. Certains acteurs de ces théâtres avaient pris l’habitude, pour forcer l’effet et enlever les applaudissements, de donner, sur la dernière phrase d’une longue tirade, un violent coup de talon sur le plancher.  Ce moyen assez singulier d’accentuer la péroraison de la tirade et de montrer qu’elle était finie manquait rarement son but, et l’acteur était effectivement couvert de bravos.  Quelques comédiens, parmi lesquels il suffira de citer Rancourt et Mélingue, devinrent fameux par la fréquence et la solidité de leurs coups de talon. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie

Mesmacker. Gaîté. Voyage de Suzette. 1890. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF


Dissimulons

Mot sacramentel du vieux mélodrame. C’est un effet toujours certain dans la bouche du traître. « Venez, jeune fiancée, disait M. Tautin, venez, que je vous conduise auprès d’une mère chérie. » Le scélérat accompagnait cette phrase doucereuse d’un doux regard de l’œil gauche ; mais son œil droit roulait dans son orbite, et, d’un organe sourd l’hypocrite disait : ‘dissimulons’. Ce qui signifiait que la jeune fiancée allait être enlevée, empoisonnée ou étranglée, suivant les us et coutumes de l’endroit. Dissimulons, disait avec un sourire amer M. Frénoy ; et au moment de commettre un assassinat, il dansait une barcarole au son des castagnettes. C’était le bon temps. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835

Hirsch, Mylo d'Arcylle. Folies- Dramatiques. Billet de logement. Atelier Nadar. 1901. Source gallica.bnf.fr / BnF .


Salut

L’art de la fin 

Au théâtre, le salut est souvent un spectacle en soi. Lorsqu’elle est réussie, la révérence finale des acteurs est un moment de vérité inoubliable où l’art et la vie s’entrelacent. Certains artistes en font une œuvre en soi. Il a son histoire, comme le rappelle l’essayiste Georges Banu, qui d’un livre à l’autre éclaire les pratiques de la scène. Au début, il y a Shakespeare, la foule en cercle et l’adresse finale des comédiens, celle-ci par exemple dans Le Songe d’une nuit d’été : « A tous bonne nuit de tout cœur. Si nous sommes amis, applaudissez très fort. » En ce temps-là, taper dans les mains, c’est aussi répandre la bonne nouvelle d’un spectacle réussi, note l’historien. La représentation ne se conçoit pas sans cette clôture. La foule des marquis et des perruches de cour a beau piailler, s’esclaffer, voleter pendant que Molière et ses acteurs exécutent leur comédie, la troupe finit toujours par s’incliner à la face du prince ou du Roi Soleil. Le salut est historiquement un hommage au commanditaire. Alexandre Demidoff - 2014 – Le temps - Rubrique l’art de la fin – Internet 

‘Le vrai portrait de Mr Molière en habit de Sganarelle’ Estampe de Claude Simonin (1635-1721)


Spectacle gratis

Lors des spectacles gratis avant la révolution, les charbonniers et les poissardes occupaient, suivant l’usage, les deux balcons. L’abolition des privilèges a fait rentrer les
hommes noirs et les dames blanches de la Halle dans le droit commun des spectateurs et ils n’occupent maintenant au spectacle, à une représentation gratis que la place qu’ils savent conquérir des épaules et des poings. Autrefois aussi, il était d’usage de donner bal sur les planches après la représentation, et les comédiens étaient dans l’obligation de faire quadrille avec messieurs les gardes françaises et les courtisanes du quai des Racoleurs. Petit dictionnaire des coulisses 

Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835

Une loge, un jour de spectacle gratuit, Boilly Louis Léopold, 1830, Musée Lambinet de Versailles. Ce tableau met en scène de manière burlesque la passion populaire pour le théâtre. Ces personnes de milieu populaire s’agglutinent dans une loge qui se fait étroite afin de profiter d’une représentation gratuite.

On sait l’amour des Parisiens pour le spectacle. Aussi n'est-ce pas d’aujourd’hui qu’on a pris l’habitude de faire intervenir les spectacles gratis dans toutes les grandes réjouissances publiques destinées à célébrer tel ou tel événement mémorable. Naguère, c’était à l’occasion de la convalescence du souverain ou d’un membre de la famille royale à la suite d’une longue maladie, de l’heureux accouchement de la reine ou d’une princesse, d’une grande victoire remportée, de la publication d’un traité de paix, de la fête du monarque, etc. Pendant la période révolutionnaire, la Convention établit dans tous les théâtres la coutume de spectacles gratis donnés périodiquement avec cette formule :  De PAR ET POUR LE PEUPLE, et sous le premier comme sous le second empire, ces spectacles   devinrent l'accompagnement obligé des réjouissances offertes à la population le jour de la fête du souverain. La République a conservé cette coutume, et chaque année, au 14 juillet, jour fixé pour la grande fête nationale en souvenir de la prise de la Bastille, dont il est l’anniversaire, nos théâtres ouvrent gratuitement leurs portes au public. Il va sans dire que si ces fameux spectacles sont donnés gratis, ce ne sont point pourtant les théâtres qui en font les frais, mais que ceux-ci sont remboursés par l’État de la recette qu’ils auraient pu faire en donnant leur représentation ordinaire. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie


Spectacle Gratis. Adam, Victor (Jean-Victor Adam, dit) , Dessinateur-lithographe Boilly, Louis Léopold , Auteur du modèle Villain, Jean-François , Imprimeur-lithographe Bonnemaison, Féréol de, chevalier , Editeur Entre 1824 et 1866 Musée Carnavalet, Histoire de Paris


Spectateurs sur le théâtre

On sait que pendant le dix-septième et une bonne moitié du dix-huitième siècle, la scène de notre Comédie-Française était embarrassée d'une foule de spectateurs : fats, marquis, gens de grand ton et de haut parage, qui venaient non point sans doute voir le spectacle, mais se donner eux-mêmes en spectacle à cette place singulière, au grand déplaisir du public de la salle et surtout des comédiens, qui ne supportaient cette incommodité que parce qu'elle leur était très productive. La vérité est que les spectateurs qui venaient se placer sur le théâtre, encombrant sottement la scène et se moquant du reste du public, parlaient tout haut, causaient et riaient entre eux, interpellaient les comédiens, gesticulaient et remuaient sans cesse, entraient et sortaient à tout instant et se rendaient enfin insupportables. On se demande quelle pouvait être, en de  telles conditions, l'illusion si nécessaire au théâtre, si l’on réfléchit surtout que par ce fait l'effet de la décoration était rendu impossible, que les acteurs avaient la plus grande peine à fendre cette cohue pour effectuer leurs entrées et leurs sorties, que le bruit fait autour d'eux leur troublait la mémoire, que leurs mouvements, leurs passades, ne pouvaient se faire qu'avec une extrême difficulté, et qu'enfin il arrivait souvent que l'on confondait l'entrée d'un spectateur avec celle d'un personnage de la pièce. Les abus les plus fâcheux sont les plus difficiles à déraciner. Tout le monde se plaignait de celui-ci ; mais les comédiens, je l’ai dit, y trouvaient leur compte, et le laissaient subsister. On ne sait jusqu’à quand il eût pu se perpétuer, si un homme intelligent et libéral ne s’était mis en tête de le détruire. A cet effet, le comte de Lauraguais fit offrir aux comédiens de prendre à sa charge tous les frais de transformation de leur théâtre, s’ils voulaient consentir à renoncer au profit qu’ils tiraient des banquettes et des chaises si maladroitement occupées. Ceux-ci finirent par accepter, grâce surtout à l’énergie de Lekain, qui avait pris la chose à cœur et qui en avait fait l’objet d’un rapport au ministre. Une fois la décision arrêtée, on attendit la clôture de Pâques pour commencer les travaux, qui furent entamés le 31 mars 1759, et achevés pour la réouverture du 23 avril.  Ils ne coûtèrent pas, dit-on, moins de 60,000 livres à M. De Lauraguais, mais l’effet produit fut excellent. Les petits-maîtres vaniteux et pédants furent désolés de cette réforme ; mais il va sans dire qu’elle fut accueillie avec joie par la masse du public. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie

Théâtre Royal du Danemark. 1740


Toile

Il est d’usage de ne plus redonner une pièce quand, à la première représentation, la toile s’est baissée avant le dénouement.
Quand, à la première représentation , les acteurs ont pu parvenir jusqu’à la fin malgré les sifflets, l’auteur a le droit d’exiger de l’administration , qu’elle joue au moins trois fois son ouvrage.
La toile ! la toile ! est le cri d’impatience du public qui s’ennuie de l’entr’acte, ou c’est l’arrêt de mort, lancé contre la pièce qui se débat sous sa faiblesse ou qui est battue en brèche par l’opposition.
La toile ! s’est-on écrié à la représentation du Coiffeur et le Perruquier, et cette joyeuse parade a diverti longtemps Paris et les départements. Depuis le Misanthrope, Phèdre et Turcaret, que de leçons les aristarques du parterre n’ont-ils pas reçues.
La toile ! la toile ! s’écriait-t-On à la première représentation de l’Ours et le Pacha, et depuis, plus de cinq cents représentations ont protesté contre la sottise du premier jury. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835


Odry dans L'ours et le pacha. dessin. 1820. Source gallica.bnf.fr / BnF

La toile ! À bas la toile ! Appel des spectateurs pour le commencement du spectacle, appel au théâtre pour que le spectacle commence ; appel à cesser une représentation


Trou du rideau - Œil du rideau

Petit trou dans le rideau de scène permettant de voir la salle discrètement. "Et le trou du rideau, c'est un petit hublot par lequel on vient regarder si la salle n'est pas houleuse car, d'un four, on dira que la pièce a sombré.". ‘ Ces deux trous ronds, placés de chaque côté du rideau, et auxquels vous voyez souvent deux doigts et un œil apparaître, sont des observatoires qui servent au directeur pour constater le mouvement de la recette, et, à ces dames, pour faire des signaux aux amis qui se trouvent dans la salle, ou pour les épier.’ 

La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878

Œil du rideau Trou pratiqué dans la toile qui sépare la scène de la salle. C’est l’observatoire du directeur, qui questionne le plein ou le vide. De temps en temps des petits signaux qui vont à leur destination partent de là comme un fanal d’amour. Plus d’une Héro fait signe ,avec le doigt d’un gant blanc , à son Léandre , qui entendra gronder l’orage du fond de l’avant-scène. On citait, il y a quelque temps, une jeune amoureuse, qui, comme César, dictait quatre réponses en style différent. Elle changeait de gants quatre fois dans un entr’acte. Le gant blanc répondait au banquier ; le gant noir, au notaire D....; le gant jaune, à l’officier de pompiers ; le gant aventurine , au chef de cabale. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835

Les petits mystères de l'Opéra par Albéric Second. Illustrations par Gavarni. 1844. Source gallica.bnf.fr / BnF


Usage 

C’était autrefois d’usage de chanter le couplet au public avant de jouer la pièce. À-peu-près à l'époque des mystères on réclamait l’indulgence par cette formule :
Messieurs, silence,
Nous allons commencer,
Dans l’assurance
De bien vous contenter :
Les acteurs sont tout prêts,
Ainsi rien ne leur manque,
Messieurs, silence,
Nous allons commencer ! Du temps de Barré , Radet et Desfontaines , (XVIIe / XIXe siècle) quand le vaudeville sortit de nourrice , des couplets un peu moins prosaïques vinrent plaider d’avance la cause de l’ouvrage soumis au parterre; on vit Arlequin dire à ses juges:
Je voudrais vivre , c’est là ma faiblesse ,
Mais pour me tuer , si vous êtes d’accord,
Laissez-moi le choix de ma mort,
Permettez-moi de mourir (ter) de vieillesse.
Depuis longtemps les auteurs dramatiques ont renoncé à la préface ; ils l’ont léguée aux
romanciers ; notre siècle sait comment les héritiers usent du legs. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835

Etienne Carjat, (1828-1906). Dessinateur. Théâtre du Vaudeville, Les faux bonshommes. 18... Source gallica.bnf.fr / BnF


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