13 Feb
13Feb

Couleur verte

La couleur verte est considérée comme maléfique, dans le monde du spectacle (exception faite des clowns). Il existe plusieurs raisons à cette croyance : Cette superstition pourrait avoir pour origine les dispositifs d'éclairage de scène du XIXe siècle, qui ne mettaient pas en valeur les tons verts. On dit aussi que des comédiens ayant porté à même la peau un costume de couleur verte auraient trouvé la mort, ce qui peut s'expliquer par les effets nocifs de l'oxyde de cuivre ou cyanure utilisé pour l'élaboration de la teinture verte au début du siècle. On dit enfin que Molière serait mort dans un costume vert... Si la couleur verte est réputée maléfique en France, c'est le violet en Italie, le vert et le bleu au Royaume-Uni et le jaune en Espagne.

Louis Jouvet (1887-1951). L'Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 1934-1951. Saison 1947-1948. Dom Juan ou Le festin de pierre (1947 ; Jouvet) : théâtre. Élaboration du spectacle. Élaboration des décors et des costumes. 77 maquettes de costumes, par Christian Bérard. Costume. Première statue (verte), 6e tableau (acte V) : costume de squelette habillé. 1947. Source gallica.bnf.fr / BnF


Fil (corde)

En langage de machinerie théâtrale, on donne le nom de fil à tout cordage qui sert à faire descendre du cintre ou à y faire remonter les différentes pièces de la décoration. Quelquefois, la réunion de plusieurs fils est nécessaire entre les mains du machiniste pour lui permettre de faire manœuvrer d’un seul coup les diverses parties d’un fragment de décor ; la réunion de ces fils prend le nom de poignée. Les machinistes, qui sont des gens de ressource, ne manquent jamais certaine plaisanterie dont l’usage est passé en tradition :  c’est une amende qu’ils infligent de leur propre autorité à toute personne du théâtre qui, par inadvertance ou par inexpérience, prononce le mot de corde ou de cordage eu parlant d’un fil. (Les mots corde et ficelle étant bannis au théâtre à cause de la référence à la corde du pendu, c'est le mot fil ou guinde qui est utilisé). Si la victime est un petit employé, ou un choriste ,ou un simple comparse, elle en est  quitte pour une ou deux bouteilles qui seront proprement vidées à ses frais chez le marchand de vin attenant au théâtre ; mais s'il s’agit d'un artiste important, d'un régisseur, d'un employé supérieur, la chose lui coûte plus cher et se fait avec plus de cérémonie: dès le lendemain matin, une députation de machinistes se rend chez le délinquant, avec un gros morceau de fil dont on a déroulé et écart les filaments dans sa partie supérieure pour lui donner l'apparence d'un énorme bouquet, dont le bout du fil forme la queue. Les députés offrent solennellement ce bouquet à leur victime en lui expliquant la faute dont elle s’est rendue coupable, et celle-ci n’en est pas quitte alors à moins d’un ou deux louis, avec lesquels ou va faire bombance en son honneur. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.


Fleurs au théâtre

Il ne faut jamais offrir de bouquet d'œillets à une actrice, en revanche les roses sont très appréciées. L'origine de cette tradition vient de ce qu'à l'époque où les théâtres avaient encore des acteurs permanents, le directeur offrait un bouquet de roses aux comédiennes dont le contrat était renouvelé. Mais pour ne pas faire de dépenses inutiles, celles qui étaient renvoyées recevaient des œillets, fleurs qui coûtent moins cher... Au Royaume-Uni on ne donne aucune fleur avant la représentation, il faut attendre la fin de la pièce. Sarah Bernhardt (1844–1923), la plus photographiée de son époque, était très souvent entourée de roses (gratuites parce qu’elle avait un accord avec les marchands de fleurs). Le langage des fleurs peut être cruel.

Jasmin C'est à l'Espagne et à l'Arabie que nous devons cette fleur monopétale et odorante. Les Jasmins de France sont fleuris aussi et ne figurent point dans nos herbiers. Les auteurs du siècle dernier baptisaient souvent de ce nom les valets de leurs comédies ; mais le vent régénérateur, a poussé depuis les Jasmins dans le gouffre, où se meurent d'oubli Larose, Lafleur, Latulipe, etc. 

L'indiscret. Souvenir des coulisses. Paris. Au bureau des éditeurs.1836.


Merde

Superstition théâtrale "bonne chance" : Souhaiter "beaucoup de merdes" aux artistes, avant une représentation équivalait à leur souhaiter beaucoup de spectateurs. !. Cette expression daterait de l'époque où les gens riches venaient au théâtre en calèche, les voitures à chevaux stationnaient là et une odeur pestilentielle aux abords du théâtre, pouvait signifier " salle comble ». Cette "garniture" étant directement proportionnelle au nombre de spectateurs, c'était faire preuve de bienveillance que de souhaiter "beaucoup de merdes" aux artistes. En Espagne aussi, les gens du théâtre, utilisent des pareilles expressions ("mucha mierda"), au Royaume-Uni, le sort est conjuré par Break a leg ! (casse-toi la jambe !) ; en Allemagne on dit Hals und Beinbruch ! (bris de cou et de jambe) ou bien Toï, toï, toï, répétition de la première syllabe de Teufel (diable).


Mot interdit

Corde : Comme dans la marine, chaque cordage a un nom spécifique (guinde, drisse, fil, chanvre, etc.) mais le mot « corde » est totalement proscrit. Selon les lieux et les époques, il est considéré comme « fatal », portant la mort ; ou au contraire, le mal est moindre, et celui qui le prononce ne s'attire que l'obligation de payer la tournée à tous ceux qui l'ont entendu. La seule corde présente dans un théâtre s'appelle la ‘corde à piano’. Nullement musicale, elle est faite d'acier de forte résistance pour servir de guide à un rideau. Cette superstition viendrait de la marine où la corde désignait l'instrument de supplice. Mais elle réfère aussi à ces comédiens à bout de misère ou d'insuccès retrouvés pendus au matin dans le théâtre. Un autre explication est celle de l'incendie. Dans les théâtres éclairés aux bougies sur de gigantesques chandeliers, le risque d’incendie était fréquent. La corde (désignant uniquement cette sécurité) aurait désigné alors le moyen de libérer des quantités d'eau retenues dans des réservoirs afin de pouvoir éteindre le feu. Cette eau étant croupissante et donc fortement odorante, il convenait de ne tirer sur la corde que si cela était vraiment nécessaire. Les adaptations au théâtre (avant et après la sortie du film) du scénario du film La Corde d'Alfred Hitchcock brisent les tabous.


Sifflet

Superstition théâtrale : Ne jamais siffler sur scène ou en coulisse. On prétend que cela attire les sifflets du public. En fait cette superstition vient de ce que les régisseurs de théâtre utilisaient autrefois des sifflements codés pour communiquer entre eux les changements de décors. Un acteur sifflant pouvait alors semer la confusion dans le bon déroulement technique du spectacle. ‘ Siffler au théâtre est témoigner son mécontentement, comme applaudir est un signe de satisfaction. Ces deux manifestations sont spontanées et ont le même droit d’exister.’ ‘ Les athéniens se servaient du sifflet, ce qui lui fait une respectable ancienneté, pour signaler les mauvais passages d’une pièce ou le mauvais jeu d’un acteur ; ils avaient même pour cet usage une espèce de flûte de Pan dont chaque son, ou chaque tuyau, indiquait le degré de critique qu’ils entendaient faire. L’origine du sifflet en France est, comme beaucoup d’autres choses, assez problématique ; les uns disent qu’on l’entendit pour la première fois à propos de l’Aspar de Fontenelle, en 1680 ; d’autres au Baron de Fondrières de Thomas Corneille, en 1686. Dans l’un comme dans l’autre cas, ce serait un Rouennais qui en aurait eu l’étrenne.’

La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878

Comment, s’écrie Mercier, la critique ne repousse-t-elle pas les automates qui assassinent la sensibilité publique en détruisant la beauté de certaines œuvres dramatiques ; tel comédien s’aguerrit aux sifflets, et les huées les plus universelles n’arrivent plus à son oreille que comme un murmure passager ; rentré dans la coulisse, il s’essuie le front, et tout est oublié jusqu’au lendemain, où le barbare recommence. 

Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur  ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835


Sifflet (le) au théâtre : Il est difficile de mieux caractériser le sifflet et son emploi au théâtre que ne le faisait un critique en disant que c’est ‘un instrument de mauvaise compagnie que le bon goût appelle quelquefois à son aide.’  On sait que le sifflet est le moyen le plus expressif qu’un spectateur puisse employer pour exprimer son mécontentement.  Or, on aura beau argumenter, il est certain que si l’on m’accorde la faculté d’applaudir lorsque je suis satisfait, on ne saurait me contester le droit de siffler lorsque je suis mécontent.  Le sifflet est brutal, d’accord, et ceux-là lui ont fait tort qui en ont mésusé ou abusé ; on ne devrait l’employer qu’avec un extrême discernement et une grande discrétion. De quelle époque date le sifflet ?  On ne saurait le dire au juste.  Les uns prétendent qu’il se fit entendre pour la première fois, dans l’enceinte de la Comédie-Française, à la première représentation d’une comédie de Thomas Corneille, le Baron des Fondrières, en 1686 ; d’autres, reportant à 1680 sa première manifestation, le font apparaître à l’Aspar de Fontenelle, tragédie plus que médiocre et dont le succès fut absolument négatif. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie


Les Trois coups

Au théâtre, les trois coups sont frappés avec un bâton appelé brigadier sur le plancher de la scène, par le régisseur, juste avant le début d'une représentation, pour attirer l'attention du public, particulièrement quand il y a un lever de rideau. Cette tradition se perd dans la nuit des temps, alors plusieurs hypothèses : 1 / Cette tradition, plus particulièrement française, peut provenir du Moyen Âge, où trois coups, symbolisant la Trinité (le Père le Fils et le St-Esprit). Ces trois coups pouvaient être précédés de onze autres martelés (douze apôtres moins Judas) et cela probablement pour obtenir le silence du public. Le théâtre avait lieu dans la journée, en lumière naturelle. 2 / Une autre explication fait correspondre les trois coups à trois saluts que les comédiens exécutaient avant de jouer devant la Cour : le premier vers la reine (côté cour), le deuxième vers le roi (côté jardin), et le troisième pour le public. 3 / Encore une explication, dans le théâtre classique français, le régisseur martelait le sol afin d’annoncer le début de la représentation aux machinistes. Ensuite, un premier coup venu des cintres, lui répondait, un second montait du dessous de scène et un troisième des coulisses. Chaque machiniste se trouvant donc bien à son poste, le régisseur pouvait ouvrir le rideau. Pendant des années, au XVIIe siècle la Comédie-Française frappait six coups afin matérialiser la jonction des deux troupes, celle de l'Hôtel de Bourgogne et la Troupe de Molière. La tradition des trois coups existe encore en particuliers dans les théâtres "de boulevard". Dans le théâtre contemporain, où parfois la scène n'est plus aussi bien délimitée, les trois coups ont souvent disparu.

Frapper les trois coups : Lorsque tout est prêt, que le décor est posé, que les symphonistes sont à l’orchestre, le souffleur dans son trou, chacun à son poste, le régisseur fait faire place an théâtre, et, placé derrière le rideau d’avant-scène, certain qu’il peut compter sur le concours de tous, frappe solennellement, avec son lourd bâton, les trois coups que le public attend toujours avec quelque impatience et qui sont le signal du commencement. Dans les temps ordinaires, ce signal n'a d'importance qu’en ce qui touche la bonne allure et la marche régulière du spectacle ; mais lorsqu'il s'agit de la première représentation d'une œuvre considérable, d'une œuvre qui peut être appelée à tenir une place, à marquer une date dans l'histoire de l'art, que d'anxiétés, que de craintes, que d'hésitations, que d'espoirs semblent contenus dans ces trois coups que le régisseur fait résonner à intervalles égaux sur le plancher de la scène. Et pourtant, ce bâton en lui-même est fort insensible, et il agit avec la même indifférence, la même impassibilité, qu’il s’agisse d’Hernani, des Lionnes pauvres, des Huguenots du Pré aux clercs, ou du dernier des vaudevilles qui sera joué dans le dernier des bouis- bouis par les derniers des comédiens. 

Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.


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