D’origine probablement italienne, le bal masqué apparaît dans la noblesse française à l’époque médiévale. L’engouement que suscitent les déguisements se renforce à la Renaissance avec la mode de l’allégorie. Ces bals se multiplient alors dans toute l’Europe et s’ouvrent à un plus large public. Aux siècles suivants, leur vogue ne diminue pas, comme en témoigne le grand bal masqué donné par Fouquet en 1661 dans son hôtel parisien d’Emery, et ces divertissements deviennent un véritable phénomène de société. Mais c’est en 1715 que naît le plus somptueux d’entre eux, le bal de l’Opéra, créé par une ordonnance du régent en date du 31 décembre. En autorisant la tenue de bals masqués publics à l’Opéra durant la période du carnaval, à raison de deux bals par semaine à partir de minuit, le régent lança une mode qui dura près de deux siècles. Ces bals ont été organisés dans tous les lieux successivement occupés par l’opéra : jusqu’en 1820 rue de Richelieu, puis pendant un an dans la salle Louvois, ensuite, de 1821 à 1873, rue Le Peletier, enfin, à partir de 1875, à l’Opéra-Garnier.
Bal de l'Opéra. 1856. Eugène-Charles GUÉRARD (1821 - 1866). Peintre-aquarelliste et lithographe Il fut un peintre mondain pour ses scènes de la vie parisienne, ses élégantes, ses réunions hippiques, ses équipages, ses gens de la danse ou du théâtre. La lithographie coloriée d’Eugène Guérard restitue bien l’atmosphère luxueuse de cette fête nocturne, alors qu’elle se déroulait rue Le Peletier : toute une foule bigarrée se presse dans la salle, sur la scène et dans les loges. Les très nombreux lustres ajoutés pour l’occasion inondent de lumière la salle qui brille de mille feux. La plupart des participants arborent la tenue de rigueur : haut-de-forme et habit noir pour les hommes, domino et robe chatoyante pour les femmes, mais on aperçoit aussi çà et là des costumes plus extravagants, comme ceux empruntés à des figures de la commedia dell’arte, Pierrot par exemple.
Le bal de l’Opéra Le grand bal de l’Opéra, appelé aussi « grand veglione de l’Opéra » (le mot italien « veglione » équivalant à « réveillon »), était l’un des moments forts du carnaval de Paris ainsi que de la scène nocturne parisienne ; véritable féerie multicolore, il se distinguait par la munificence de son cadre, la richesse et l’excentricité des toilettes des participants. Le bal de l’Opéra était l’occasion pour les spectateurs d’admirer les élégants déguisements des femmes de la haute société qui occupaient les loges
Paris. Transformation du théâtre du Grand-Opéra en salle de bal après la représentation du mardi-gras. Dessinateur : Jules Gaildrau Musée Carnavalet, Histoire de Paris Jules Gaildrau, (1816 – 1898), est un peintre et graveur français.
Un carnaval mondain Le grand nombre d’artistes, de compositeurs et d’écrivains qui se sont penchés sur le bal de l’Opéra reflète la popularité de l’événement durant tout le XIXe siècle. Ce clou du carnaval de Paris s’en distingue néanmoins par son caractère nocturne bien plus luxueux et enchanteur et par son élitisme. Tandis que bourgeois et ouvriers se pressaient dans les faubourgs de Belleville, à la Courtille, pour festoyer et danser, l’aristocratie préférait l’atmosphère sophistiquée des bals masqués, où les uns et les autres pouvaient rivaliser d’élégance avec de somptueux déguisements tout en échangeant des mondanités. En cela, le bal de l’Opéra possède de nombreux points communs avec le carnaval vénitien du XVIIIe siècle, réputé pour ses grandes fêtes nocturnes. Ce qui n’a nullement empêché certaines innovations licencieuses, comme le « cancan » introduit vers 1840 par Philippe Musard, le chef d’orchestre des bals de l’Opéra : cet ancêtre du « french cancan », dansé en couple à une époque où les femmes portaient des culottes fendues sous leurs jupons, était considéré comme une danse scandaleusement lascive par les autorités. Son succès montre que, malgré les apparences, le bal de l’Opéra était également perméable au côté frivole et canaille de la société parisienne.
Bal de l'Opéra. (1804) Dessinateur : Jean François Bosio Musée Carnavalet, Histoire de Paris Jean Baptiste François Bosio (1764 – 1827), est un peintre, dessinateur et graveur français.
Source texte : L’Histoire par l’image. Internet (https://histoire-image.org/)
Scène de bal de Carnaval dans un théâtre Anonyme , Graveur Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Le Bal de l'Opéra est le plus fameux de tous les bals du Carnaval Créé par une ordonnance royale en date du 31 décembre 1715, sa première édition a lieu le 2 janvier 1716. Il se déroule durant la période du Carnaval à raison de deux bals par semaine s'ouvrant à minuit. Au début c'est donc un bal masqué. Ce bal se tient successivement à l’Opéra de la rue de de Richelieu, ou salle Montansier (jusqu'en 1820), à la Salle Louvois, (1820-1821), à l’Opéra Le Peletier (de 1821 à 1873) et à l’Opéra Garnier (de 1875 à 1903). Il disparaît finalement dans les années 20. Le plancher amovible qui servait aux danseurs ayant atteint un état de grande décrépitude et devenant inutilisable, voire dangereux, l’administration de l'Opéra ne souhaita pas le remplacer.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Bien qu’ils soient considérablement déchus de leur ancienne splendeur, les bals de l’Opéra conservent toujours le privilège d’attirer la foule. Leur existence date aujourd’hui de plus de cent soixante ans, et il n’est pas sans quelque intérêt d’en rappeler les origines, d’autant plus que leur renommée est européenne. Voici ce que disait à leur sujet un écrivain du dix-huitième siècle : Le nombre multiplié des bals masqués pendant le règne de Louis XIV avait mis au commencement de ce siècle cet amusement à la mode. On en vit au Palais-Royal et à Sceaux où régnèrent le goût et l’opulence. L’Électeur de Bavière, le prince Emmanuel de Portugal vinrent alors en France, et ils prirent le ton qu’ils trouvèrent établi. L'un donna les plus belles fêtes à Surêne, l’autre à l’hôtel de Bretonvillieirs. Les particuliers, effrayés de la somptuosité que ces princes avoient répandue dans ces fêtes superbes, n’osèrent plus se procurer dans leurs maisons de semblables amusements. Ils voyaient une trop grande distance entre ce que Paris venait d’admirer, et ce que leur fortune et la bienséance leur permettaient de faire. C’est dans ces circonstances que M. Le Régent, par une ordonnance du 31 décembre 1715, permit les bals publics trois fois la semaine dans la salle de l’Opéra. Les directeurs firent faire une machine avec laquelle on élevait le parterre et l’orchestre au niveau du théâtre. La salle fut ornée de lustres et d’un cabinet dans le fond, de deux orchestres aux deux bouts et d’un buffet de rafraîchissement dans le milieu. Cette disposition éprouva quelques changements dans la suite. La nouveauté du spectacle, la commodité de jouir de tous les plaisirs du bal sans soins, sans préparatifs, sans dépense, donnèrent à cet établissement tout le succès imaginable. Cependant, la danse, qui fut l’objet de ces bals publics, y a beaucoup perdu. On sait qu’il n’est pas du bon air d’y danser. Les deux côtés de la salle sont occupés par quelques masques obscurs qui suivent les airs que l’orchestre joue ; tout le reste se heurte, se mêle, se pousse. Ce sont les saturnales de Rome, qu’on renouvelle, ou le carnaval de Venise, qu’on copie. Les étrangers qui viennent passer l’hiver à Paris s’y rendent en foule ; il est même arrivé quelquefois qu’ils y étaient en si grand nombre que l’on ‘disait’ plaisamment : Parle-t-on ‘françois’ aujourd’hui au bal de l’Opéra !
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Bal à l’Opéra. Paris 1830-1839 Bibliothèque Publique de New York. Collections numériques.
On voit que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il est de mauvais ton de danser au bal de l’Opéra. Cela se conçoit sans peine. Il est évident que dans un lieu public, où le premier venu peut se 'présenter masquer, la société doit se mélanger rapidement. Les femmes qui se respectent ne sauraient entrer dans une telle cohue, et les hommes qui les accompagnent se bornent, comme elles, à jouir, du haut d’une loge, du coup d’œil et du spectacle. Au milieu du dix-huitième siècle, les bals de l’Opéra commençaient le 11 novembre, à la Saint-Martin, et se donnaient tous les dimanches jusqu’à l’Avent, après quoi on les reprenait à la fête des Rois, et ils se continuaient une ou deux fois par semaine pendant le carnaval, jusqu’au carême. Le bal commençait à onze heures du soir pour finir à six ou sept heures du matin, et le prix d’entrée était de six livres.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Le bal de l'Opéra. –– Son public, –– Ses acteurs. Linton, Henri Duff, Graveur. Morin, Edmond, Dessinateur. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.
Dans son Histoire de l’Académie royale de musique (1751), Durey de Noinville a donné de la salle du bal cette description : La nouvelle salle forme une espèce de galerie de 98 pieds de long, compris le demi-octogone, lequel, par le moyen des glaces dont il est orné, devient aux yeux un salon octogone parfait. Tous les lustres, les bras et les girandoles se répètent dans ces glaces, ainsi que toute la salle, dont la longueur, par ce moyen, paraît doublée, de même que le nombre des spectateurs. Les glaces des côtés et vues de profil sont placées avec art et symétrie selon l’ordre d’une architecture composite, enrichie de différentes sortes de marbre, dont tous les ornements sont de bronze doré. La salle ou galerie peut être divisée en trois parties. La première contient le lieu (que les loges occupent : la seconde un salon quarré ; et la troisième le salon demi-octogone dont on vient de parler. Les loges sont ornées de balustrades avec des tapis des plus riches étoffes et des plus belles couleurs sur les appuis, en conservant l’accord nécessaire entre ces ornements et la peinture de l’ancien plafond qui règne au-dessus des loges. Deux buffets, un de chaque côté, séparent par le bas les loges du salon, qui a 30 pieds en quarré sur 22 d’élévation, et terminé par un plafond ingénieux, orné de roses dorées, enfermées dans des losanges, et entourées d’oves qui forment une espèce de bordure. Deux pilastres de relief sur leurs piédestaux marquent l’entrée du salon. On y voit un rideau réel d’une riche étoffe à franges d’or, relevé en festons. Ces pilastres s’accouplent dans les angles, de môme que dix autres pilastres cannelés peints sur les trois autres faces du salon. Ils imitent la couleur du marbre de brèche violette, ainsi que la frise. Leur dimension est de treize pieds et demi, compris la base et le chapiteau. Leurs piédestaux ont cinq pieds compris les socles, l’architrave, frise et corniche trois pieds et demi. La grande corniche qui règne autour du salon est de relief. Au milieu des grandes arcades il y a un groupe de quatre figures jouant de différents instruments. Ces arcades, où paraissent des glaces, sont ouvertes par des rideaux de velours cramoisi bordés d’or, et relevés avec des cordons qui en tombant servent à cacher les joints des glaces, en sorte qu’elles paraissent être d’une seule pièce. Des festons de guirlandes et d’autres ornements produisent le même effet. Le salon quarré et le salon octogone sont encore enrichis de vingt colonnes, avec leurs arrières-piastres de marbre bleu jaspé, ainsi que les quatre pilastres du salon demi-octogone. Six statues dans le goût antique représentent Mercure et Momus dans le fond, et aux côtés quatre Muses peintes en marbre blanc et de grandeur naturelle, ainsi que les autres. Ces ouvrages sont de Charles Vanloo, et peints de très bon goût. La grande arcade du fond, où commence la troisième partie de la galerie, a seize pieds de haut sur dix de large : deux Renommées y soutiennent les armes du roi en relief. Vingt-deux lustres de cristaux, garnis chacun de douze bougies, descendent des trois plafonds par des cordons et des houppes d’or et de soie. Trente- deux bras portant des doubles bougies sont placés dans l’entre-deux des pilastres qui soutiennent les loges. Dix girandoles de cinq bougies chacune sont placées sur les pilastres couples du grand salon, et dans le salon octogone il y a sur chacun des pilastres une girandole à trois branches, en sorte que cette salle est éclairée par plus de trois cents bougies, sans compter les chandelles, lampions et pots à feux qui se mettent dans les coulisses et avenues du bal. Trente instruments placés, quinze à chaque extrémité de la salle, composent la symphonie pour le bal, mais pendant une demi-heure avant qu’il commencé ces instruments s’assemblent dans le salon octogone, avec des timbales et des trompettes, et donnent un concert composé de grands morceaux de symphonie des meilleurs maîtres. On peut assurer que ce bal forme un des plus beaux spectacles que l’on puisse voir, tant par le coup d’œil de la salle où il se donne que par la quantité de masques qu’il attire pendant tout le carnaval.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Bal donné à l'opéra, au bénéfice de la caisse des pensions de retraite des artistes et employés de ce théâtre/ Exécution du Quadrille impérial par les artistes de l'Opéra. Godefroy-Durand , Graveur Anonyme , Editeur Musée Carnavalet, Histoire de ParisExemple de texte
La vogue du bal de l’Opéra n’a jamais cessé un instant, et elle a eu des époques de recrudescence remarquables. Telle est celle qui signala le temps où Musard, musicien excentrique mais non sans talent, Musard, qu’on surnommait le Paganini de la danse et le Roi du quadrille, s’installa à la tête de l’orchestre de ce bal, sous le règne de Louis-Philippe. Musard devint alors une des célébrités de Paris, et l'on s'étouffait à l'Opéra, les nuits de bal, pour le voir diriger cet orchestre gigantesque, comprenant 24 violons de chaque côté, des altos et des contrebasses en proportion, où les cuivres étaient représentés par 14 cornets à pistons et 12 trombones, et avec lequel il obtenait des effets de sonorité véritablement curieux, effets qu'il augmentait encore par des excentricités telles que le fracas de plusieurs chaises qu'on brisait en mesure un moment donné, ou d'un pistolet qu'on faisait partir à l'attaque du galop final d'un quadrille. Les danseurs, grisés par l’éclat de ces sonorités si puissantes et si étranges, mis hors d’eux par la verve et la furie que Musard déployait à la tête de ses musiciens, allaient alors le prendre de force sur son estrade, le mettaient sur leurs épaules et lui faisaient faire ainsi le tour de la salle en le portant triomphalement, tandis que tous les assistants s’égosillaient à crier sur tous les tons : Vive Musard ! Un journal d’alors le dépeignait ainsi : Tantôt il se lève, regarde le plafond, mesure le public du haut de sa majesté, se gratte la tête où se tient les côtes ; tantôt il s’assoit, passe la main sur son front, siège de tant de génie, réceptacle de tant d’harmonie, entrepôt de tant de responsabilité. Dans certains moments, la pointe de son archet plane sur la note jusqu’à son agonie, et l’aide à mourir ; dans d’autres, l’archet semble ramasser la note par terre, et la ramener vers le pupitre. C'est un curieux spectacle, je vous assure, que celui de M. Musard conduisant son orchestre. On ne se lasse pas de l’admirer... A cette époque, les bals de l’Opéra se donnaient régulièrement chaque samedi pendant toute la durée du carnaval, et l’on en donnait un dernier le jeudi de la mi-carême. Après Musard, ce fut M. Strauss qui conduisit l’orchestre. Cela dura jusqu’en 1873, époque de l’incendie de la salle de la rue Le Peletier. Lorsque, deux ans après, la salle du boulevard des Capucines fut inaugurée, il fut question de supprimer les bals, par la crainte qu’on avait qu’ils fussent préjudiciables à la conservation artistique du monument. On finit cependant par les autoriser de nouveau, mais au nombre de quatre seulement par hiver, et leur succès est encore tel que ces quatre bals produisent une recette brute de 150 à 200,000 francs. Aujourd’hui il y a deux orchestres, l’un dans la salle même, dirigé par M. Olivier Métra ou par M. Arban, l’autre dans l’avant- foyer, à la tête duquel est placé M. Farbach, le fameux chef d’orchestre hongrois.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Roy, Marius (1833-18..?). Lithographe. Caisse de retraites des officiers de réserve et de l'armée territoriale... Grand bal militaire au Théâtre National de l'Opéra, le samedi 17 décembre 1892... : lithographie de Maruis Roy. 1892. Source gallica.bnf.fr / BnF
"Billet d'admission" au "Bal de l'Association des Artistes Dramatiques" au Théâtre royal de l'Opéra Comique le Samedi 22 févr. 1845 au nom de "M.r Derval Fils" Source gallica.bnf.fr / BnF
Bals du théâtre de la Porte St Martin Inconnu , Dessinateur-lithographe Petit et Bertauts , Imprimeur-lithographe Catelin, Henri (le Jeune) , Editeur Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Coliseum Duque's dancing .Grand bal, 65 rue Rochechouart, Paris, 9e. Photographie de presse. Agence Rol]. 1920. Source gallica.bnf.fr / BnF
Le couloir de l'Opéra, à l'entrée du foyer, une nuit de bal. Roevens, E., Graveur. Morin, Edmond, Dessinateur. Anonyme, Éditeur. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.
La politique au bal de l'opéra. Dessin de Nadar et Ed. Morin ; Gravé par Pothey 1850