La division de l’année théâtrale n’est point conforme à celle de l’année civile. Au dix-septième et au dix-huitième siècle, jusqu’à la Révolution, les théâtres, à Paris comme en province, étaient tenus de fermer leurs portes pendant trois semaines chaque année, depuis le dimanche de la Passion jusqu’au dimanche de Quasimodo, c'est-à-dire quinze jours avant et huit jours après Pâques. L’Église, toute-puissante alors, exigeait ce chômage, et c’est là ce qu’on appelait la fermeture de Pâques. A part cette fermeture, les théâtres de province jouaient toute l’année, comme ceux de Paris, mais ils profitaient de ce moment pour procéder au renouvellement de leur troupe et signer les engagements de leurs artistes pour la campagne suivante.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Mary Cassatt (1844-1926) Femme au collier de perles dans une loge
Le droit des pauvres ou droit des indigents était en France un impôt prélevé sur les recettes des spectacles en faveur de l'Assistance Publique. ‘ Ce droit remonte aux origines de notre théâtre. Un arrêt du 10 décembre 1541 ordonne aux entrepreneurs du “jeu du Vieux Testament de donner mille livres aux pauvres, après avoir vu l’état de leurs frais et gain” Un autre arrêt de François 1er porte que “Les théâtres bailleront aux pauvres mille livres tournois, sauf à ordonner plus grande somme” Cet impôt prélevé sur le plaisir est, malgré la guerre à outrance que lui font MM. les directeurs, le plus juste et le plus humain qu’on puisse établir. Né, en principe, des deux arrêts ci-dessus indiqués, il fut régularisé par Louis XIV dans l’ordonnance du 25 février 1699, pour la levée, en faveur de l’Hôpital Général, du sixième en sus de ce qui se reçoit aux entrées des opéras et comédies. Ce droit fut aboli le 6 août 1789, et devait être remplacé par des représentations au profit des hospices, représentations qui n’eurent jamais lieu, ce qui motiva l’arrêté en date du 11 nivôse an IV. “ art. 1er. Tous les entrepreneurs ou sociétaires de tous les théâtres de Paris et des départements sont invité à donner tous les mois, à dater de cette époque, une représentation au profil des pauvres, dont le produit, déduction faite des frais journaliers et de la part de l’auteur, sera versé dans les caisses désignées....... Cet arrêté n’eut aucun effet fructueux ; Les représentations données couvrirent rarement les frais, du moins les directeurs le dirent, et une loi du 7 frimaire an V rétablit le droit d’un décime par franc, en sus du prix de chaque billet. Depuis cette époque, ces droits font partie du budget, et sont entièrement perçus par les hospices, tant à Paris qu’en province.’
La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878
L’administration des hospices, supposée pauvre, doit vivre à la charge de l’administration théâtrale, supposée riche : voilà comme les faiseurs de lois ont raisonné.
Mais les payeurs d’impôt ont dit : si le riche doit au pauvre, c’est l’Hôtel-Dieu qui doit aux théâtres, et non les théâtres à l’Hôtel-Dieu. Donc les théâtres ne sont pas débiteurs, mais créanciers ; et en mettant la chose au plus juste, ils ne sont ni débiteurs, ni créanciers, et de par la loi ils ne feront pas aumône. L’affaire en est là, le papier timbré cherche à battre en brèche la loi fiscale qui ruine les exploitations théâtrales.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
"Le directeur de la Porte-Saint-Martin force les receveurs du droit des pauvres à avaler six litres des poisons superfins de Lucrèce Borgia" Inconnu , Graveur Le Journal amusant , Editeur En 1870 Maison de Victor Hugo - Hauteville House
On donne le nom de feu, au théâtre, à une sorte de gratification qui est attribuée à un comédien, en dehors de ses appointements fixes, chaque fois qu’il joue. Le feu est d’ailleurs expressément stipulé dans l’engagement. Son importance varie selon celle de l’artiste, et le feu de tel comédien sera de cinq ou de dix francs par soirée, tandis que celui de tel autre atteindra le chiffre de 50 ou de 100 francs. Pour certains artistes, le total des feux d’une année dépasse parfois le chiffre des appointements. Voici l’origine et l’étymologie du mot, qui remonte juste à deux siècles. Le 28 septembre 1682, les acteurs de la Comédie- Française décidèrent que chacun d’eux recevrait cinq sols pour le bois à chauffer sa loge, c’est-à-dire pour le feu, et deux sols six deniers pour la chandelle nécessaire à l’éclairer. On n’avait droit à ce feu que lorsque le froid commençait, et il va sans dire qu’on ne le recevait que lorsqu’on jouait. Le 20 septembre 1700, le feu fut porté à vingt sols, et en 1760 il était fixé à deux livres. De la Comédie- Française, le feu passa plus tard à d’autres théâtres ; puis il devint, comme nous l’avons vu, comme une sorte de haute paie attribuée à certains comédiens pour empêcher leurs plaintes et échauffer leur zèle. Il est sûr que le comédien qui touche des feux ne trouve jamais qu’il joue trop souvent.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Hittmans et Rivero. Bouffes. Coquelicot. Atelier Nadar. 1882. Source gallica.bnf.fr / BnF.
La gratification accordée quotidiennement à certains acteurs à titre d'encouragement pour les services qu'ils rendent au théâtre, soit en jouant fréquemment les rôles de leur emploi, soit en jouant des rôles qui ne sont pas de leur répertoire, s'appelle du nom de feu.
Les feux sont expressément stipulés dans les engagements : leur prix va de trois à cinquante francs par soirée. Les feux rapportent quelquefois plus au comédien que ses appointements.
Dictionnaire théâtral ou douze cent trente-trois vérités Paris. Chez J-N Barba Librairie. 1825.Exemple de texte
Allocation par représentation accordée à l'artiste en complément de ses appointements, appointements d'un artiste lyrique ou dramatique, d'un cabotin, appointements en sus des appointements, faveur accordée à l'acteur dont le nom excite à la recette Ce que reçoit un acteur en sus de ses appointements fixes. Cet acteur a tant pour ses feux. Les acteurs qui chanteraient à ces représentations auraient sous le nom de feux une gratification particulière. Si, en quatrième, on m'avait offert un engagement dans une troupe (de brigands) convenable, avec espoir d'avancement et des feux, j'aurais signé des deux mains
Vallès, Réfract.,1865, p. 100.
Haute paie accordée aux compagnies d’élite de l’armée dramatique ; les appointements d’acteur ne semblent aujourd’hui qu’une prime, un pot de vin accordé gratuitement sans que celui qui le reçoit contracte aucune obligation envers celui qui donne. Les appointements d’acteur sont les pourboire d’un cocher, et les feux, c’est à-dire les taxes surnaturelles, représentent le prix de la course dans la carrière théâtrale.
Racontez donc aujourd’hui que la fameuse Dyonisia ne recevait à Rome que quelques pièces d’or ; dites donc que Roscius se contentait de quelques pièces d’argent pour nourrir son estomac d’homme ; rappelez donc à tous les comiques présents et à venir que Tiercelin gagnait à peine aux variétés de quoi renouveler ses guêtres de chasse. On rira de pitié au souvenir de Dyonisia, de Roscius et de Tiercelin. On a calculé que les administrations théâtrales payaient annuellement de 12 à 1,300,000 francs de feux ; en d’autres termes : les directeurs font un don gratuit de la somme totale des bénéfices qu’ils récoltent.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
République Française. Préfecture de Police. Ordonnance sur la limitation temporaire des jours d’ouverture des salles de spectacle et de réunion. Anonyme , Imprimeur. En 1917. Musée Carnavalet.