Comme toutes les professions, le théâtre a son langage spécial, son argot, qui jadis n’était compris que des initiés et qui aujourd’hui n’a presque plus de mystères pour le public, à l’exception pourtant de certains mots, de certains tours de phrase, dont le vulgaire ne connaît ni la valeur ni la signification. Si l’on sait généralement ce que c’est qu’une panne, une cascade, un cabotin, tout le monde ne serait pas à même d’expliquer ce que veut dire ‘Marier Justine’, ‘Brûler une ville’, Marcher sur sa longe’.
Les comédiens employaient entre eux une sorte de véritable langue verte, dont seuls ils avaient la clef et qu’eux seuls pouvaient comprendre. Voici ce qu’on lit à ce propos dans les Mémoires de Mlle Dumesnil, l’élève et la rivale peu reconnaissante de Mlle Clairon : « De mon temps, les comédiens avaient un argot qui leur était particulier. Pour demander : Combien paie-t-on pour entrer à la comédie ? On disait : Combien refile-t-on de logagne pour allumer la boulevetade ? La troupe s’appelait la banque. Pour demander : Celui qui est à côté de vous est-il un comédien ? On faisait ainsi la question : Le gonze qui est à votre ordre est-il de la banque ? Si l’interrogé voulait répondre négativement, il disait : Non, il est lof comme un roboin, ce qui signifiait : il est profane comme le diable. Ce dialecte était très abondant, il comprenait à peu près tout ce qui peut se dire en français. Préville le jargonnais à merveille.
Alexandre. Gaîté. Orphée aux enfers. Atelier Nadar. 1874. Source gallica.bnf.fr / BnF
Fils du naturel, et aussi difficile à atteindre que son père il demande, plus que lui, de la grâce, une grande délicatesse de nuances dans le geste et dans la voix. On ne le trouve guère que chez les grands comédiens ; les autres s'abandonnent volontiers, mais n'ont pas d'abandon.
La langue théâtrale Vocabulaire historique, descriptif et anecdotique des termes et des choses du théâtre Alfred Bouchard - Paris – Arnaud et Labat, libraires éditeurs - 1878
Nadar (1820-1910). 1850. Source gallica.bnf.fr / BnF
Siffler un acteur comme on siffle un chien. Deux hypothèses pour l’origine de cette phrase, mais deux belles histoires. ‘ C’est une périphrase pour dire siffler. En voici l’origine : Un mauvais acteur du nom de Fleury, (ne pas confondre avec le grand Fleury) jouait le rôle d’Achille dans Iphigénie en Aulide (vers 1733, 1736) ; il avait coutume d’amener son chien avec lui au théâtre et le donnait en garde à son père (pas celui du chien) qui le tenait en laisse dans la coulisse. Achille entre en scène. Le public, qui reconnaît Fleury, le reçoit à coups de sifflets. Le père, furieux de l’accueil qu’on fait à son fils, laisse échapper le chien qui vient en scène caresser son maître. Sur ce, les sifflets redoublent, et le père, furieux tirait son épée pour aller embrocher les siffleurs, quand un acteur (c’était Gaussin) lui dit : “ Ne voyez-vous pas qu’on siffle le chien!...” Effectivement, il entend son fils qui lui criait de la scène : “Mon père, sifflez donc ! Mon père, appelez Azor !”. Nous devons, pour être véridique, dire que le chien se nommait Tarquin, et qu’on a substitué Azor à Tarquin. ‘Il y avait une fois un ténor qui chantait la cavatine de la Dame-Blanche, et un spectateur mécontent qui sifflait le ténor. La salle entière protestait contre le siffleur ; ce que voyant, l’acteur, sans se déconcerter, dit au public : “ Rassurez-vous, messieurs, ce sifflet n’est pas pour moi, c’est un monsieur qui appelle Azor.” Les acteurs sifflés se consolent volontiers en pensant qu’il y a un chien perdu dans la salle.’
Alexandre. Gaîté. Dix jours au Pyrénées. Atelier Nadar. 1887. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Terme de dédain dont les comédiens se servent entre eux pour montrer le peu d’estime qu’ils font du talent d’un des leurs : « Il est à peine capable d’apporter une lettre. » Et cela parce que, dans beaucoup de pièces, certains rôles de domestiques, ‘hommes ou femmes’, consistent en une seule entrée faite par le personnage pour apporter une lettre à son maître ou à sa maîtresse.
Dailly, Mousseau et Adolphe. Ambigu. "Assommoir. Atelier Nadar. 1879. Source gallica.bnf.fr / BnF.
On disait d'un acteur qu'il attrapait le lustre quand celui-ci exagérait son jeu, poussait sur ses effets. On disait aussi : cracher sur les quinquets.
Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau. 1883
M. Jean Périer. Opéra-Comique. Le voile du bonheur. Atelier Nadar. 1911. Source gallica.bnf.fr / BnF .
Avoir des côtelettes
Terme d’argot théâtral qui signifie : faire de l’effet, être applaudi. « J’ai eu ma petite côtelette ! » disait en rentrant dans la coulisse, tout fier de lui, un modeste comédien habitué à ne jouer que de mauvais rôles, et qui avait trouvé l’occasion de se faire applaudir une fois en sa vie. On ne se sert plus guère aujourd’hui de cette expression Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Côtelettes (applaudissements) ‘Un pauvre artiste de province débutait devant les sévères Rouennais, qui ont été regardés de tout temps comme des mangeurs de comédiens. Le malheureux n’avait du directeur qu’un engagement conditionnel : “ Si vous réussissez ce soir, je vous engage, avait-il dit ; si vous tombez, ce sera à vos risques et périls, je ne donne point d’avances.” Son existence de toute une année était en question ce soir-là, il la jouait dans un rôle de cent lignes. Le parterre était de bonne humeur, le comédien fut applaudi. En rentrant dans les coulisses, il dit à ses camarades, en parlant du public qui l’avait bien accueilli : “ Il ne se doute pas qu’il vient de me donner des côtelettes pour demain”.’ (Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.) Avoir sa côtelette : Être chaleureusement applaudi, dans l’argot des comédiens. (Dictionnaire de la langue verte. Alfred Delvau. 1883)
Manger sa côtelette :
Avoir un succès éclatant, un triomphe complet. M. Persil n'a pas mangé de côtelettes dans les rôles qu'il a joués depuis quelque temps.
Charvet, Lauret, Scipion. Nouveautés. Roi de carreau. 1883. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Expression qu’on emploie pour caractériser un comédien doué de l’admirable faculté d’exprimer la passion, la tendresse, tous les nobles mouvements de l’âme, de façon à faire illusion et à donner l’idée qu’il les éprouve lui-même. Certains acteurs vous arrachent des larmes, vous attachent, pour ainsi dire, à leurs lèvres par la manière dont ils rendent les situations les plus pathétiques et les plus touchantes. Ceux-là ont des entrailles et sont véritablement les maîtres du public.
Au siècle dernier, à l’époque de la grande rivalité à l’Opéra de deux chanteuses célèbres, Mlle Pélissier et Mlle Lemaure, chacune avait ses partisans, et Mlle Aïssé écrivait dans une de ses lettres : « Les partis sur Mlle Lemaure et Mlle Pélissier deviennent tous les jours plus vifs... La Lemaure a beaucoup d’entrailles, et la Pélissier beaucoup d’art.… » Cette réflexion suffit à faire juger les deux actrices, et Mlle Lemaure était évidemment supérieure à Mlle Pélissier.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Atelier Nadar. Georges, Scipion. Nouveautés. Fatinitza. 1879 Source gallica.bnf.fr / BnF
Expression dont se servent les comédiens pour caractériser un artiste expérimenté, sûr de lui, qui connaît son métier, en un mot à qui les planches du théâtre sont familières. Cela ne veut pas dire que cet artiste ait une valeur exceptionnelle, ni qu’il soit en possession de facultés supérieures ; cela indique seulement qu’il a de l’acquis, de l’expérience et des qualités pratiques.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Groupe Poucet : Albert, Duhamel, Christian, Scipion. Gaîté. Petit Poucet. 1885. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
En argot de théâtre, on dit d’un artiste qu’il a du chien lorsqu'il possède cette faculté innomée que Voltaire appelait, le diable au corps. A du chien, tout artiste qui n’est pas toujours le même, qui est dévoré d’une flamme intérieure, qui se laisse emporter par les élans d’une passion soudaine et qui entraîne avec lui le public dans les régions du plus noble idéal. L'expression n’est pas relevée, étant donné surtout ce qu’elle est appelée à qualifier et à faire comprendre ; mais nous la rapportons parce qu’elle est caractéristique dans le langage du théâtre.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Mesmacker. Gaîté. Le voyage de Suzette. 1890. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Feu (avoir du) Pour un comédien, avoir du feu est presque synonyme d’avoir de la chaleur ; et cependant, il y a une nuance, et ce qu’on appelle le feu est plus en dehors, plus accusé que la chaleur proprement dite, qui peut parfois être un peu concentrée et se faire jour sans éclat et sans véhémence.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
M. Delmas. Joseph Opéra. Atelier Nadar. 1899. Source gallica.bnf.fr / BnF
Locutions d’argot théâtral qui signifient : éprouver une grande peur. Certains artistes, et non des moins méritants, ne sauraient entrer en scène et se présenter devant le public sans ressentir comme une sorte d’effroi ; d’autres, plus calmes d’ordinaire, éprouvent ce sentiment les jours de première représentation, d’autres encore lorsqu’il s’agit pour eux de paraître dans un rôle qui a été pour un de leurs confrères l’occasion d’un grand succès et pour lequel ils redoutent la comparaison. Tous ces artistes ont le trac, le taff, le taffetas. « J’ai eu un rude trac en entrant ! » Dira l’un. « Mâtin ! Quel taffetas ! » S’écrira l’autre en sortant de scène.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Laura Knight - Dans les coulisses. Laura Knight (Britannique, 1877-1970) est une peintre, dessinatrice et graveuse britannique ayant œuvré dans la tradition figurative.
Quand un acteur est applaudi avant même d'avoir parlé ; les quelques mesures que l'orchestre joue, lorsqu'un personnage arrive sur la scène.
Scipion. Nouveautés. "Roi de Carreau". 1883. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
C’est un terme d’argot théâtral. D’un artiste qui parle trop vite et de façon à ne se plus faire comprendre, ou qui manque de mémoire et, pour ne pas rester court, articule des mots sans suite, sans liaison, et dont le sens est incompréhensible, on dit qu’il bafouille.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
M. Landrin. Gaîté. Bicyclistes en voyage. 1893. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Se dit d'un artiste qui n'a qu'un bout de rôle dans une pièce.
Le soldat Romain : Quinze sous par jour pas d’avantage et payer la dessus la soupe et le garm, la pipe et la blanchisseuse et faut tenir propre au théâtre faites donc la noce avec le reste
Jouer un bout de rôle dans un lever de rideau C’est une expression dont se servent les comédiens lorsqu’ils sont appelés à jouer dans une petite pièce qui commence le spectacle, et qui est destinée à faire attendre au public la pièce de résistance. Ils appellent cela ‘balayer les planches’.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Daubray, Jolly, Scipion. Bouffes. "L'Étoile". 1877. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Se dit d'un acteur qui fait de fréquents gestes de bras, et frappe ses hanches à coups de coudes. C'est surtout dans les moments de passion que cette action s'opère. L'Hippocrate du théâtre de la Gaîté a prévenu M. Marty que, s'il continuait à battre des ailes, il serait forcé de prendre sa retraite avant deux ans. En effet, quelle poitrine pourrait résister à quatre-vingt-douze coups reçus pendant une seule tirade ? Un acteur s'instruit partout, et on est tenté de croire que M. Marty est allé prendre des leçons de gestes au combat des coqs.
Manuel des coulisses ou Guide de l’Amateur Paris. Chez Bezou, Libraire. 1826.
Atelier Nadar. Photographe. Groupe Fugère, Dekernel, Sully, Marcelle. (Rip). "Gaîté".1894-1904. Source gallica.bnf.fr / BnF
On dit qu’un artiste boit du lait, lorsqu’il est en scène et que son jeu excite d’une façon ininterrompue les applaudissements ou les rires approbatifs des spectateurs.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
M. Dacheux. 1875-1895. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Être sifflé, se dit d'un acteur dont le public se moque discrètement pour son inexpérience, un geste maladroit, un mot mal dit.
MM. Rouvière, Véret et Nomo. Folies-Dramatiques. Amour et Compagnie. 1906. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Acteur qui a hâte d'arriver au bout de son rôle et qui se soucie surtout d'avoir fini. !
D’un comédien qui, sans posséder de qualités particulières et sans avoir d’originalité, connaît cependant bien son métier et, sans rien faire ressortir, ne gâte rien et tient convenablement sa place dans l’ensemble, on dit que c’est un bon bouleur.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Atelier Nadar. Mesmacker. Gaîté. Le voyage de Suzette. 1890. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Allumer la boulevétade: ‘J'avais appris, en fréquentant partout avec beaucoup d'assiduité la comédie, quelques mots de ce jargon. Pour demander : combien paye-t-on pour entrer à la comédie, on disait : combien rafile-t-on de logagne pour allumer la boulevétade ?’
1799. Mémoires de Marie-Françoise Dumesnil.
Glenn O. Coleman (américain, 1887 - 1932) - Rampe
Expression significative, employée pour désigner non pas même un mauvais rôle, qui peut avoir son importance et exiger du talent, mais un rôle absolument accessoire et duquel il n’y a rien à tirer.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Portrait de Legrenay, (acteur). Billon (Alfred Francois Cordier, dit) , Photographe. Entre 1860 et 1890 Musée Carnavalet.
Mot dont se sert un acteur pour reprocher au souffleur de lui envoyer trop vite les répliques.
Maurice Lourdey (1860-1934). Dessinateur. Scène de théâtre : souffleur. 1900-1913. Source gallica.bnf.fr / BnF
Jouer la comédie, avec verve, avoir une grande habitude de la scène et se jouer des difficultés d'un rôle.
‘Se dit de certains artistes fougueux, excessifs, cherchant toujours reflet, qui semblent avoir du feu dans les veines et être prêts à le communiquer aux planches de la scène. Brûler les planches est l’excès d’une qualité ; le comédien doit être doué d’une chaleur vraie, qui se communique facilement au public et lui donne l’illusion de la réalité ; mais il ne faut pas que cette chaleur tourne au désordre et à la furie. Un acteur célèbre naguère au boulevard, Mélingue, était un enragé brûleur de planches ; cela ne lui enlevait pas son talent d’ailleurs incontestable, mais cela lui donnait parfois une exagération de mauvais goût.’
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Mr Mélingue, rôle d'Alphonse d'Este, dans Lucrèce Borgia, Théâtre de la Porte S.t Martin. 1870. Source gallica.bnf.fr / BnF
Pour un acteur, jouer avec beaucoup de chaleur (avoir du succès). ‘Se dit principalement des comiques auxquels la véritable verve fait défaut et qui la remplace par une chaleur factice, beaucoup de mouvement, de bons poumons et une grande volubilité. ‘ (La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878)
Se brûler / Se brûler à la rampe : S’approcher trop près de la rampe, soit dans la chaleur de l’action, soit pour tous autres motifs, tels que se faire mieux remarquer, prendre du souffleur, indiquer le moment au chef de claque, plonger un œil inquisiteur dans les baignoires d’avant-scène. (La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878)
Raymond, Leriche. Renaissance. Cocard et Bicoquet. Atelier Nadar. 1888. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Ce dicton populaire a son origine au théâtre.
L’acteur Mercier, fort estimé des titis du boulevard du Temple, jouait le rôle de Jean Bart avec un entrain et une rudesse qui étaient fort appréciés du public de la Gaîté. Jean Bart, comme on le sait, fumait la pipe, et, pour être fidèle à la vérité historique, Mercier fumait la pipe en jouant le rôle. La pièce eut une longue suite de représentations, ce qui permit à Mercier de culotter une magnifique pipe qui était devenue une curiosité. Aussi tous les titis étaient-ils en admiration devant la pipe de Jean Bart-Mercier. De son côté, l’acteur, orgueilleux de son ouvrage, ne s’en séparait jamais, même en dormant, si l’on croit les on-dit.
Mais, voilà qu’un jour la pipe tomba des lèvres de Mercier. “ quel dommage !” s’écriat-on, et on courut vers lui. L’acteur venait de s’affaisser sur lui-même, il était mort.
Le lendemain, en s’abordant, les titis se disaient, tristement :
“ Tu sais bien, Mercier, Eh bien ? Il a cassé sa pipe hier pour de bon”.’
Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.
Mercier, acteur au Théâtre des Bouffes Parisiens : [dessin]. 1827. Source gallica.bnf.fr / BnF
‘Chanter le couplet au public’ C’était autrefois d’usage de chanter le couplet au public avant de jouer la pièce. À-peu-près à l'époque des mystères on réclamait l’indulgence par cette formule :
Messieurs, silence,
Nous allons commencer,
Dans l’assurance
De bien vous contenter :
Les acteurs sont tout prêts,
Ainsi rien ne leur manque,
Messieurs, silence,
Nous allons commencer ! Du temps de Barré , Radet et Desfontaines , (XVIIe / XIXe siècle) quand le vaudeville sortit de nourrice , des couplets un peu moins prosaïques vinrent plaider d’avance la cause de l’ouvrage soumis au parterre; on vit Arlequin dire à ses juges:
Je voudrais vivre , c’est là ma faiblesse ,
Mais pour me tuer , si vous êtes d’accord,
Laissez-moi le choix de ma mort,
Permettez-moi de mourir ( ter) de vieillesse.
Depuis longtemps les auteurs dramatiques ont renoncé à la préface ; ils l’ont léguée aux romanciers ; notre siècle sait comment les héritiers usent du legs.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Atelier Nadar. Raiter. Gaîté. Petit Poucet. 1885. Source gallica.bnf.fr / BnF
Lorsque, dans un ouvrage dramatique, une scène importante et qu’on ne saurait supprimer paraît cependant un peu froide, un peu languissante, on recommande aux acteurs qui en sont les personnages de l’animer par leur jeu, par leur mouvement, d’en serrer le dialogue et d’en presser l’action, de façon à un corriger autant que possible les défauts et à les faire disparaître aux yeux du public. C’est ce qu’on appelle ‘chauffer la scène’. Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent.
Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
C'est l'animer par un jeu vif, ou par un débit qui exclut la monotonie : Firmin, de la Comédie française, Samson à l'Odéon, Philippe au Vaudeville, Lepeintre aux Variétés, Gobert et Paul à la Porte-Saint-Martin, assurent presque toujours le succès d'un ouvrage par leur manière de dire et leur action rapide.
Manuel des coulisses ou Guide de l’Amateur Paris. Chez Bezou, Libraire. 1826.
Groupe Laporte et Alberthal. Bouffes-Parisiens. Shakspeare. 1899. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
L'expression se comprend de soi. On dit d’un comédien qu’il cherche l’effet lorsqu’il ne se contente pas de ceux qui doivent naître naturellement des situations ou du dialogue de son rôle, et qu’il s’efforce, par tous les moyens possibles et même impossibles, de provoquer dans le public des impressions factices et de faire de l’effet aux dépens du bon sens et du bon goût.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
M. Marcoux. Opéra Don Quichotte .1911. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
‘Un artiste qui, se défiant de l’intelligence du public, souligne chaque mot de la prose ou des vers qu’il récite, cherche la petite bête, ou, pour me servir d’une formule nouvelle, creuse son rôle. C’est au père Brunet qu’on doit cette périphrase. Cet excellent bonhomme avait la manie de réciter chaque jour tous ses rôles et de chercher le moyen d’y glisser quelque nouveau lazzi. On le voyait toujours marmottant, et il arrivait souvent qu’il répondait à un ami qui lui disait bonjour, une phrase de son rôle destinée à son interlocuteur. A quoi songes-tu, ? lui disait-on. Je cherche la petite bête, répondait-il.’
Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.
M. Dacheux. (Folies-Dramatiques). 1893. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr
Couper les effets ; bouffer les effets ; manger un effet ; faucher les effets Parler de suite après un mot qui vient d'être dit ou ne pas laisser le temps au public de rire ou d'applaudir comme il l'aurait voulu ; mal donner la réplique à son partenaire et gâcher une scène qui doit faire un effet ; gâcher un discours
Portrait d'Alexandre Guyon, (1830-1904), acteur. Numa Fils, Photographe. Entre 1860 et 1890. Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Comédien qui exagère ses effets. On disait aussi attraper le lustre, ou chanter au bord de la rampe. ‘Un acteur crache sur les quinquets, quand il fait de vains efforts pour produire de l’effet et ne réussit qu’à montrer sa faiblesse ou sa nullité.’
La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878
M. Numès. Vaudeville. Le lys rouge. 1899. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
Certains comédiens, habitués à chercher un effet plus facile que raisonné, ont coutume de sacrifier sans pitié la plus grande partie d’une tirade, sans se préoccuper aucunement d’en faire ressortir les parties saillantes pour concentrer tout leur effort sur la conclusion et arracher ainsi les applaudissements du public. Après avoir dit rapidement et avec négligence les huit ou neuf dixièmes du morceau ils en mettent la fin en plein relief et, accentuant les dernières phrases avec vigueur, ils obtiennent le résultat qu’ils désirent. C’est ce qu’on appelle, en argot de théâtre, déblayer une tirade. Ce procédé facile et fâcheux était souvent de mise autrefois sur nos scènes des boulevards, dans les gros mélodrames, et nous avons le regret de constater que des artistes fort estimables l’emploient parfois même à la Comédie Française.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Daubray, Scipion. Bouffes. "Les 3 Margots Atelier Nadar. 1877. Source gallica.bnf.fr / BnF
Terme d’argot théâtral. Situation difficile, fâcheuse, désagréable, d’un rôle ou d’une scène, dans laquelle le comédien eu dépit de ses efforts et de son intelligence craint de produire sur le public un mauvais effet, de se faire emboîter. Il dit qu’il y a dans cette situation un emboitage. (Synonyme de se faire agrafer)
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Portrait de Louis Franc-Hector Monier, acteur de théâtre. Anonyme, Photographe. Entre 1860 et 1890. Musée Carnavalet, Histoire de Paris
D’un artiste qui, dans une scène touchante, pathétique, dans une situation dramatique, trouve la note émue et juste, l’accent qui touche le cœur et en secouant les nerfs du spectateur pénètre jusqu’à ses entrailles au point de l’oppresser et de lui faire verser des larmes, on dit qu’il a empoigné le public, lequel, on le comprend, ne lui marchande alors ni ses applaudissements ni ses bravos. Mais le mot a sa contrepartie. Quand l’acteur chargé d’une scène importante ne se montre pas à la hauteur de la situation, quand il est froid, guindé, sans passion, qu’il reste manifestement au-dessous de la tâche qu’il est chargé de remplir et qu’il ne prouve que son insuffisance, alors il arrive que le public donne des marques non équivoques d'impatience et de mécontentement, qui se traduisent par des exclamations et des murmures significatifs. Ceci s’appelle être empoigné !
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Réunion de 35 têtes diverses. 1825 - Louis Leopold Boilly
‘Cette locution familière vient du verbe ébouriffer qui semble être une onomatopée. Figurez-vous l’oiseau dont le plumage se dresse et se déploie, et qui s’ébouriffe enfin. L’esbrouffeur, ou celui qui fait des esbrouffes, est ce qu’on appelle en termes vulgaires un faiseur d’embarras qui veut vous jeter de la poudre aux yeux. Au théâtre, on nomme esbrouffeurs les comédiens qui ne doutent de rien.’
Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.
Atelier Nadar. Photographe.1875-1895. Source gallica.bnf.fr
‘Une des variétés de l’ivresse, l’ivresse gaie. C’est le théâtre qui a mis à la mode cette bizarre expression, qui est devenue populaire. Tiercelin, un acteur célèbre du théâtre des Variétés, excellait surtout dans les rôles d’ouvriers. Il se composait un masque d’une laideur repoussante et s’affublait de costumes qu’il achetait aux ouvriers eux-mêmes. Tous les jours, sorti de chez lui dès le matin, il allait étudiait aux barrières, dans les marchés ou les ports, les types qu’il voulait représenter. Il composa un certain jour un monologue qu’il intercala dans le rôle d’un savetier ivre. Ce rétrécit était rempli d’incohérences, mais aussi plein d’idées fantasques. Il y avait un moment où, dans le paroxysme de son ivresse, Il discourait de la métempsycose, et, parlant à sa casquette, placée en face de lui, il se croyait devenu casquette et se faisait de la morale à lui-même, il divaguait pendant quelques minutes et faisait crouler la salle sous les applaudissements. Depuis ce jour, les auteurs lui confiaient volontiers des rôles d’ivrognes, et lui recommandai surtout d’être casquette.’
Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.
M. Tiercelin, acteur du Théâtre des Variétés. 1800- 1820. Acteur au théâtre de la Cité : 1792-1807 ; et au théâtre des Variétés 1807-1825. Source gallica.bnf.fr / BnF
On dit d’un comédien qu’il est dans la peau du bonhomme, lorsqu’il montre tant de naturel, qu’il se pénètre à ce point de son rôle, qu’il s’identifie tellement avec le personnage représenté par lui, que l’illusion produite est complète, et que l’acteur disparaît aux yeux du spectateur pour ne laisser à celui- ci que le sentiment de la réalité vivante qu’il est censé avoir devant les yeux.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Mlle Dieterle et M. Félix Ander. (Théâtre de l'Athénée). La ponette. Atelier Nadar. 1906. Source gallica.bnf.fr / BnF.
L’une des qualités les plus précieuses d’un comédien digne de ce nom. Un acteur est en scène lorsque, absolument pénétré de l’importance de la tâche qu’il est appelé à remplir, tout entier à son art, insensible à toute distraction extérieure, il parle, marche, agit, écoute, absolument comme s’il était en réalité le personnage qu’il représente. Pour lui il n’y a plus de théâtre, il n’y a plus de public ; il n’y a qu’une action, à laquelle il prend part, à laquelle il se trouve mêlé d’une façon intime, et dans laquelle tous ses efforts tendent à procurer au spectateur l’illusion la plus complète et à lui donner le sentiment de la réalité.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Portrait de Félix Galipaux, (1860-1931), dramaturge, romancier, comédien, humoriste. Palais-Royal, Vaudeville, Gymnase Otto van Bosch, Photographe Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Mettre en vedette sur l’affiche le nom d’un acteur, c’est l’imprimer en caractères plus ou moins gigantesques. C’est un appât tendu à la curiosité publique. Dans les départements on utilise tellement cet usage, que les noms d’un acteur en tournée tiennent ordinairement les trois quarts de l’affiche.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Grand Succès/ FRANCIS Anonyme , Dessinateur Imprimerie Lith. F.A. Appel , Imprimeur Entre 1880 et 1900 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
On dit d’un acteur qu’il est reconduit lorsqu’à la fin d’une scène où son action est importante, il parle, agit et gesticule avec tant de maladresse, d’une façon si évidemment fâcheuse, que sa sortie de scène excite les murmures des spectateurs et est accompagnée de ricanements et de marques manifestes d'improbation.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Léonide Massine et Boris Lissanevitch en tenue de scène. 1927. Source gallica.bnf.fr / BnF
Se dit d’un acteur, ou d’une pièce, on d’un fragment de pièce qui produit une vive impression sur le public et lui arrache des marques non équivoques de satisfaction. On dira que tel acteur a fait beaucoup d’effet dans tel rôle, et que telle scène de tel ouvrage a fait un grand effet.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Atelier Nadar. Photographe. M. Sacha Guitry . 1890-1910. Source gallica.bnf.fr / BnF
Acteur qui ne sait pas son rôle, perdre la mémoire, rester bouche béante Locution qu’on employait autrefois, et que l’on expliquait ainsi : ‘Faire de la toile, s’embrouiller, ne savoir ce qu’on dit.’ Les acteurs doués de l’esprit d’improvisation font de la toile fine en paraphrasant une pensée et en donnant ainsi au souffleur le temps de se remettre en bonne route. L’acteur qui reste court et qui ne peut trouver dans son esprit aucun secours contre sa mémoire, fait du canevas. On comprend encore la signification assez expressive de ces mots : faire de la toile, dans le cas dont il est question ; on s’explique moins la valeur de ceux-ci : battre le job, qui leur servaient de synonymes et qui étaient employés dans la même circonstance. Quoi qu’il en soit, les deux expressions sont aujourd’hui hors d’usage.
M. Marcoux. Opéra Monna Vanna : 1909. Atelier Nadar. Source gallica.bnf.fr / BnF
On dit qu’une pièce ou qu’un artiste fait fureur, lorsque le succès de cette pièce ou de cet artiste est éclatant, fait l’objet des propos de la ville entière, et amène chaque jour au théâtre une foule avide et impatiente de plaisir. Les Italiens, qui emploient dans le même sens la même expression, se servent aussi dans ce cas du mot fanatismo. Ils ont tous dit quand ils ont constaté que tel ténor ou tel opéra non seulement fa furore, mais encore fa fanatismo.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
M. Périer. Opéra-Comique. Légataire universel. Atelier Nadar. 1901. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Un comédien fait une fugue lorsque, au mépris de ses engagements, il abandonne le théâtre auquel il est attaché pour s’en aller joindre une autre troupe dans une autre ville. La fugue est justiciable des tribunaux, le départ subit et imprévu d’un artiste étant toujours préjudiciable à un directeur, en entravant la marche du répertoire et en rendant, surtout en province, l’exploitation d’un théâtre extrêmement difficile.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Fénoux. Comédie-Française. Phèdre. 1890- 1902. Atelier Nadar Source gallica.bnf.fr / BnF.
On dit d’un acteur qu’il force l’effet lorsqu’il manque aux lois du goût et de la sobriété pour exciter, par tous les moyens possibles, les applaudissements des spectateurs. Dans le drame les éclats de voix et les grands coups de talon, dans le comique les charges grotesques et les grosses pasquinades, dans le chant les coups de gosier excessifs et les fioritures de mauvais goût, parviennent souvent à forcer l’effet. Cela n’augmente en aucune façon, bien au contraire, le talent de l’acteur qui se livre à de tels écarts.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Le régisseur. ‘Voyons, mademoiselle, faites sonner les RRR…vibrrrez,…vibrrrez,… les bonnes traditions se perdent … de mon temps, au conservatoire, on était parvenu à nous faire vibrer, même en prononçant le mot navet !...’ Daumier, Honoré, Dessinateur-lithographe. Destouches, Pierre Louis Hippolyte, Imprimeur-lithographe. Martinet (imprimeur-libraire), Éditeur. En 1856. Musée Carnavalet.
Figuration ; les figurants ; tout le monde ; toute la frime.
Henry Monnier (1799-1877). Dessinateur du modèle. Planche hors texte d'illustration du type du "Figurant" dans "Les Français peints par eux-mêmes. 1841. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Certains mots, au théâtre, pour produire l’effet qu’on attend d’eux, doivent être dits par l’artiste d’une façon particulière, avec vivacité, prestesse et précision, et jetés en quelque sorte à la face du public, afin de le surprendre et de doubler l’impression qu’il en reçoit. C’est ce qu’on appelle lancer le mot.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
MM. Duquesne et Grand, 2 mamelucks. Vaudeville. "Madame Sans Gêne".Atelier Nadar. 1893. Source gallica.bnf.fr / BnF .
Se disait au sujet d'un vieux comédien qui tardait à prendre sa retraite. ‘Le fameux Baron éprouva ce déboire. Il lui prit fantaisie de remonter sur la scène à l’âge de quatre-vingts ans, et de jouer Rodrique du Cid. Tout alla bien jusqu’à ces deux vers : “ Je suis jeune, il est vrai : mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années.” Le parterre se mit à rire. Baron recommença ; le parterre ri de nouveau. Alors Baron, s’adressant au public, lui dit : ”Messieurs, je vais recommencer pour la troisième fois ; mais je vous avertis que, si l’on rit encore, je quitte le théâtre et n’y remonterai de ma vie” On fit silence et il continua son rôle, mais il ne put se relever seul lorsqu’il se mit aux pieds de Chimène. N’y a-t-il pas encore aujourd’hui quelques comédiens qui marchent sur leur longe ?’
La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878
Portrait de Lebel, (acteur). Numa Fils , Photographe. Entre 1860 et 1890. Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Expression d’argot théâtral qui s’applique à un vieux comédien, usé par l’âge, et qui, ne sentant pas ou ne voulant pas reconnaître qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même, persiste à traîner sur la scène les restes d’un talent évanoui et dont il ne reste plus que le souvenir. Tous les jours on voit des comédiens marchés sur leur longe ; mais le public, qui a le souvenir des jouissances passées, respecte leur faiblesse et se garderait de manquer envers eux d’égards ou de convenance.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie.
Novembre 1824. ‘Il faut marier Justine’ vient de se donner en expression au monde du théâtre, et à la bonne langue en même temps, comme l’impérieuse nécessité de conclure un propos ou un acte sous peine filer un très mauvais coton. L’histoire est belle et authentique Au théâtre des Variétés ce soir, représentée pour la première fois en ce 29 novembre 1824, Thibaut et Justine, comédie-anecdotique en un acte, mêlée de couplets. Selon les critiques une pièce enjouée, plaisante, la scène représente l’entrée d’un village. À droite l’auberge de Thibaut, gilet-veste rayé rouge en laine, pantalon gris. Justine, elle, porte un bonnet rond, petit mouchoir d’indienne sur le cou. On n’en est qu’aux prémices et vous voici déjà lassés. Un peu comme les spectateurs de la première ! De ceux qui, irrités par les longueurs de la pièce s’impatientent et aimeraient assister au dénouement, savoir si enfin Justine va épouser Thibaut ! Ils piaffent, ils s’agitent et vont se mettre à huer, peut-être même à lancer des tomates. Alors le régisseur, voyant venir la fronde, crie aux comédiens qui sont bien loin de la vingtième et ultime scène : ‘il faut marier Justine’ ! Et la pièce raccourcie dans l’instant est sauvée. Ainsi consacrée soudainement, ‘il faut marier Justine’ distribuera son empressement dans de nombreux compartiments en dehors de la scène : on dira évidemment ‘qu’il faut marier Justine’ en écoutant un discours de remerciements pour une obscure récompense, on le pensera très fort lors d’un hommage posthume qui posera le défunt plus grand qu’il n’a jamais été, on l’annoncera comme une excuse étrange à telle bavarde qui insiste pour nous conter par le menu les diarrhées de son petit dernier et ses exploits pour balbutier maman.
Atelier Nadar. Thibault, Lardinois. Bouffes. Le mariage avant la lettre.1888. Source gallica.bnf.fr
‘Mariole est le nom d’une femme dans la pièce du Coin de rue. C’était Mademoiselle Flore qui était chargée de ce rôle de soubrette effrontée, et qui le jouait avec beaucoup de gaîté et d’entrain. Le mot est passé du théâtre dans le langage coloré du peuple parisien.’
Les secrets des coulisses. Joachim Duflot. 1865.
Brazier, Nicolas (1783-1838). Auteur du texte. Le coin de rue, ou Le rempailleur de chaises : comédie grivoise en un acte, mêlée de couplets par MM. Brazier et Dumersan.... 1838. Source gallica.bnf.fr / BnF
Draner (1833-1926). Dessinateur. Les aventures de Télémaque : Mademoiselle Flore dans le costume de Calypso : dessin / Draner]. 18... Source gallica.bnf.fr / BnF
La vanité est une infirmité morale bien curieuse à étudier chez le peuple comédien. L’acteur tombé trouve toujours ses consolations dans la foi robuste qu’il a en son mérite.
Un artiste nommé Fragneau débuta dans l’emploi de Martin ; il n’obtint pas de succès, et ne tenta pas une nouvelle épreuve. Plus intrépide, un certain M. Milhès, après un premier essai malheureux, se ravisa dans le rôle de Frontin du Nouveau Seigneur ; il emprunta l’habit de son malencontreux camarade. Après son ariette : A cet air noble et plein de grâce, le débutant est accueilli par des sifflets. Rentré dans la coulisse, il s’étonna de cette sévérité. Le directeur le console et l’engage à continuer son rôle. La pièce se termine au milieu de la désapprobation générale. Milhès va se déshabiller ; une heure après, il s’approche du directeur : « Je sais maintenant, lui dit-il, pourquoi ils m’ont si outrageusement traité : ils ont reconnu l’habit de Fragneau.
Le mot est devenu proverbe, et maintenant quand on doute du succès d’un acteur, on dit : pourvu qu’il ne mette pas l’habit de Fragneau.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Leigh, Dorien (18..-19.. ; photographe). Photographe. Les astuces féminines. Chanteur non identifié.1920. Source gallica.bnf.fr / BnF
Phrase par laquelle un acteur avertit un de ses camarades qu’il joue mal et va se faire siffler. Quelquefois on dit : Le vicomte Du Four est dans la salle.
Ugalde, Brasseur. Nouveautés. Chaperon rouge. Atelier Nadar. 1885. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Expression qui sert à symboliser en quelque sorte, dans le langage courant et dans la conversation, le théâtre et certaines particularités du talent d’un comédien. Les planches cela veut dire le théâtre, ou, plus précisément, la scène ; monter sur les planches, c’est embrasser la profession de comédien ; avoir des planches, être bien sur les planches, se dit d’un acteur qui connaît à fond son métier et qui est ‘sur les planches’ comme chez lui ; enfin, brûler les planches se dit du comédien doué d’une action si vive, si chaleureuse, qu’il semble mettre le feu aux planches de la scène.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Atelier Nadar. Mlle Robin. Opéra. 1899. Source gallica.bnf.fr / BnF
C’est adopter la profession de comédien, embrasser la carrière du théâtre. De quelqu’un qui a quitté un autre état pour se faire acteur, pour jouer la comédie, on dit qu’il a pris le théâtre, qu’il est maintenant au théâtre.
Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’en rattachent. Paris 1885. Librairie de Firmin-Didot et Cie
Mathilde, Raymond. Renaissance. Cocard et Bicoquet. Atelier Nadar. 1888. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Figurante dans l’argot des coulisses. L’expression est récente. Elle sort du théâtre des folies Marigny aux Champs-Élysées où l’on a joué, je ne sais quelle revue féerique ou paraissait beaucoup de femmes, chargé de représenter, celle-ci des légumes et celle-ci des poissons ou crustacés.
Dictionnaire de la langue verte. Nouvelle édition. Alfred Delvau Supplément par Gustave Fustier. Paris 1883
Deux danseuses au théâtre des "Bouffes Parisiens", Colette Roby et Suzanne Blanchet en costume de crevettes, 2ème arrondissement, Paris. Wide World photo , Photographe Vers 1925 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
C’est appuyer dans la déclamation fortement sur les R, surtout quand ces lettres sont redoublées ; le ronflement, produisait un grand effet dans la tragédie vers la fin du dernier siècle, et le mélodrame, bâtard de Melpomène, l’avait adopté avec fanatisme. Frenoy et Tautiu étaient des ronfleurs de premier ordre. Les tirades de mélodrames tiraient un grand éclat de cette consonne amenée à propos ; aussi les Crébillon, les Corneille et les Racine du boulevard du Temple reproduisaient-ils souvent ces mots : affreuse révélation, repaire terrible ! Horrible rencontre !
Ronfler a pour synonyme aussi ‘faire la roue’.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Dharcourt, Berthelier. Nouveautés. Chaperon rouge. Atelier Nadar. 1885 Source gallica.bnf.fr / BnF.
Synonyme de : ne pas avoir d’agrément. Il n’est pas inouï, dans les annales théâtrales, d’avoir vu un comédien ou une comédienne se charger d’administrer lui-même à un rival la correction que le parterre a seul le droit d’infliger à la médiocrité.
Un procès qui a eu du retentissement a prouvé qu’une actrice, sous les habits d’homme, venait charitablement, chaque soir, siffler un camarade ; c’était sans doute dans l’intérêt de l’art. Plus récemment, un comédien des départements qui dès ses débuts avait été fort ‘mal reçu, s’avança vers le public en montrant un énorme sifflet et dit : ‘Messieurs, si ce n’était par respect pour vous, je me sifflerais bien plus encore que -vous ne le faites.’ Cet acte de modestie a désarmé l’opposition, et depuis ce jour le débutant n’a jamais été travaillé.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
MM Ed. Georges et Victorin. (Renaissance. Les marionnettes de l'année). Photographie, tirage de démonstration. Atelier Nadar. 1891. Source gallica.bnf.fr / BnF.
Abuser des roulades : ‘Ce mot, inventé par le chanteur Martin, s’applique au roulement des notes dans la gorge, ce qui, en effet, imite assez bien le bruit du gargarisme. Il se dit aussi d’un acteur de drame ou de comédie qui fait ronfler les R.’ La langue théâtrale. Alfred Bouchard. 1878
C’est pour Martin qu’on avait inventé le mot. Il se gargarisait véritablement avec des notes. Depuis on a appliqué ce mot au ronflement guttural que certains acteurs de drame font entendre en prononçant les R. Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Nicolas Jean-Blaise Martin.G ravure de Bertonnier et Audouin, d'après un tableau de Riesener. 18... Source gallica.bnf.fr / BnF.
Nicolas Jean-Blaise Martin Baryton français (1768-1837). Il chanta à Paris au théâtre de Monsieur (1788), au théâtre Favart (1794), à l'Opéra-Comique (1801-1823). Il a laissé son nom à un genre particulier de baryton léger (baryton martin). Vers 1820, sa carrière décline en même temps que sa santé vocale. Surtout, il n’échappe pas aux travers de la facilité. Son chant devient forcé et outrancier et amplifie ses anciens défauts : surcharge, vocalisation saccadée et abus d’ornements… Il obtient toujours du succès auprès des habitués mais essuie de nombreuses critiques.
Acteur plus que médiocre, et à cause de cela, habitué à compromettre le succès des pièces dans lesquelles il joue.
Dictionnaire de la langue verte. Nouvelle édition. Alfred Delvau Supplément par Gustave Fustier. Paris 1883
Discussion de coulisses