Par le trou du Souffleur A Jean Debucourt Croquis de Julien Parvis, présentés par Robert Cayla Messieurs les Auteurs Henry
Goulet Éditeur, Paris. 1930
34 planches sur feuilles doubles. Portraits assortis d'un commentaire souvent acide
Un véritable Jeune dont les prunelles brillent derrière le verre de ses lunettes comme des perles dans une vitrine. Il est l’esprit de la parade de cirque. Son invention fantasque s’étends librement et sa maîtrise parodique l’autorise à toutes les audaces. Il ne connaît pas les truquages du cinéma.
L’art de l’inexprimé. Un art tout en profondeur, de synthèse et de suggestion. Des petites phrases pénétrantes, comme gravées. Un souffle, un rien, mais qui est toute la vie.
Un Socrate flegmatique et narquois, faune au théâtre, Diogène semi-mondain à la ville, buvant du champagne qui rend son imagination un peu cynique et débraillée. La barbe fluviale de cet habile nonchalant à la sournoise bonhomie charme tous les petits bateaux de l’esprit.
Son profil saisissant est une force. Le cœur, l’esprit et le talent de ce lutteur sont bâtis pour les grandes batailles. Dramaturge incomparable de l’action, possédant le don de la vie et l’art de la synthèse, il est devenu celui de la pensée. Son théâtre est un savant dosage de barbarie et de littérature.
Ses pièces sont comme des billes de savon, elles s’évanouissent rapidement et les enfants amusés sont tout de même un peu déçus.
Mi-shakespearien, mi-moliéresque, l’auteur du Cocu Magnifique remet du vin dans ‘l’abondance’ de certains de ses confrères. Son vin est un peu fort, il râpe le gosier, mais il est d’un vieux cru, et il change de la piquette coutumière.
Les sangliers, hérissés, la queue en vrille, sont ses meilleurs compagnons. L’homme des bois de Lorraine qui est un grand spiritualiste es sensualiste, mais à la manière préhistorique, s’agite à la vue des œuvres de ce fauve sont nées de la musique des sens.
Sa naissance l’a favorisé. Romanesque et réaliste, sentimental et narquois, le fils d’Abel sait à merveille comment on obtient le succès. Il dose savamment l’artifice, la fantaisie poétique et la moquerie spirituelle. Il agite le tout avant de s’en servir et la potion est souveraine. Virtuose de la pièce risquée pour jeunes filles, il est le jeune maitre de ce sous-genre.
Un fougueux romantique dans le genre du grand-père Hugo à côté d’un fantaisiste original et d’un observateur pittoresque qui en a vu de toutes les couleurs.
De l’intelligence. De la noblesse d’âme. De grands yeux ouverts.
Un ambitieux gonflé et prétentieux parlant au superlatif du talent qu’il se prête… Mais un technicien infaillible qui réalise avec des gestes ce que les autres ont écrit.
Le plus bas des licencieux marchands d’orviétan qui s’enrichit avec de tristes libertinages vaudevillesques. Les chiens aboient à ses polissonneries ennuyeuses.
Ce chercheur de gloire se dissèque, sans souffrir, pour plaire. Il est insensibilisé. Uniformément superficiel, il a l’art de ramener tout haut sujet à un dialogue de salon. Truqueur, maigre et pâlot, il singe la simplicité des grandes œuvres. C’est un blond affadi qui distribue, avec des petits cris lyriques, des mignardises, des confiseries sentimentales.
Molière avec Armande Béjart ! Gros phénomène, effronté et frivole, Sacha représente le génie de la platitude. Fier de sin ridicule, ce lanceur de boniments exhibe, en compagne d’Yvonne, sa philosophie simpliste et ses propos de café. Sa personne lardée survivra à son œuvre.
Un industriel d’une culture sommaire qui aime à jouer au dramaturge, comme l’enfant au soldat. Il signe des pièces.
Un chercheur passionné, à l’imagination malade mais frémissante, moins soucieux de succès matériel que l’estime d’une élite. Il apporte à la scène un esprit d’investigation scientifique et une curiosité un peu sombre qui lui enlèvent de la force persuasive. Cet ‘impressif’ voit les ambiances plus que les actes. Les directeurs de théâtre le redoutent à l’égal des poètes.
Une stature de bon géant, un large sourire sur un visage rond. Il est heureux de vivre. Colette a-t-elle subi l’ascendant physique de ce robuste mâle ? On pourrait le penser car si les épaules sont puissantes… le talent est encore en couveuse !
Le plaisir d’être méchant… comme une gale ! Cet esprit clair et précis, nerveux et cruel, possède une plume douée d’un bec extraordinaire : un bec qui mord. Duelliste agressif, il manie de dangereux fleurets, d’autant plus redoutables qu’ils ne sont pas mouchetés. Plein de courage, il ne craint pas de s’offrir lui-même aux coups de griffes d’auteurs rancuniers.
Un mystique social qui succombe sous l’idéologie. Il considère la scène comme une tribune. Le théâtre doit être rasant. Ce solitaire fiévreux et grandiloquent est l’apôtre des baudruches littéraires !
Le Victorien Sardou du théâtre moderne. L’artisan amoureux de son métier qui renouvelle le drame et lui assure un public nombreux.
L’esprit de vin… et de vingt autres au moins !
Cet enfant brutal et séduisant, d’une hardiesse souriante, a perdu avec éclat sa virginité d’auteur, comme un collier de perles. Observateur audacieux, implacablement véridique, il venge la morale au lieu de l’offenser. Son ‘langage allusif’ a la violence aiguë d’un coup de sonde. Une force neuve massacrant les sensibilités.
Un petit bonhomme sentimental qui a le goût amer de la volupté. Chaque année, il confectionne avec une étonnante facilité, à Maisons-Laffitte, chez le comte de Clermont-Tonnerre, un petit secrétaire, genre dix-huitième siècle. Les gobe-mouches le trouvent de l’époque.
Un habile poète ‘au grand cœur’, d’inspiration généreuse et patriotique, qui se donne à ce qu’il fait avec une bonne foi entière. L’honnêteté n’a pas de prix. Une âme noble gâtée par de trop grandes ambitions théâtrales. Un auteur boursouflé, malgré une affectation de simplicité, dont les intentions valent mieux que les réalisations.
Un grand enfant de génie, un vagabond de l’amour, un collectionneur d’âme. Son verbe est surexcitant et entraînant, chargé de flammes et de caresses. D’une sensibilité extrême, il a en lui beaucoup de la femme : l’intuition, la nervosité et la séduction. Il domine tous les écrivains dramatiques de ce temps.
Ce lyrique compliqué, métaphorique et précieux, jette toutes ses ressources de rhétorique dans les fours surchauffés de la guerre et de l’amour. Ce sont des soufflés. Ce grand gars, tout en os, montera très haut. Il a une tête d’aigle.
Pendant que Cora, la grasse en personne, joue Mon Homme – qui n’est pas le sien !- son minus habens torche des petits trucs en vers sur du papier hygiénique…
Farigoule a appris la métaphysique en l’enseignant, malheureusement, la verve et l’entrain ne se commandent pas. Il n’y a pas de professeurs de gaieté. Et cet austère libertin veut mêler la science à l’art ! C’est un niais pasticheur cubiste. Son comique enténébré, artificiel et fabriqué, pue l’universitaire. Ses plaisanteries sont laborieuses et falotes. Un boute-en-train de (bistro’ est moins pitoyable que l’impuissance d’un cuistre qui se bat les flancs pour faire rire. Les grâces d’un pédant, dénué de fantaisie, sont toujours douloureuses…
Ad augusta per augusta… Frère Anus traite le mâle par le mâle. C’est de l’homme… éopathie.
Un martyr chétif ; la foi et l’orgueil luisent dans ses yeux pâles. Sifflé, il est dans le chemin de la vérité. C’est le pèlerin d’une inaltérable confiance accomplissant noblement, sur la terre, la divine mission du Poète. Il possède un génie du ‘toc’.
Un page mélancolique ayant la peau trop courte pour lui. Le mal du siècle a passé par là/ Cet analyste désabusé semble distant, il est toujours très loin. Même chez lui, très tard, à la bougie, à l’heure où il se sent à enlever ses chaussettes, il est encore loin…
L’esprit pensé et non cet odieux esprit verbal prodigué un peu partout. Le Meilhac slave de la nouvelle vie parisienne cosmopolite. Son comique rude à fond sinistre et paradoxal est d’une sensualité à coups de knout. C’est une fleur de parisianisme essentiellement moderne dont il faut se méfier. Sous des dehors souriants, ses yeux sont deux caricaturistes rosses qui cachent toujours un certain fond d’âpreté.
O rêve décevant qui n’a duré qu’un soir !
Le maitre des fabricants de pièces en série, le plagiaire du Pêle-Mêle et de l’Almanach Vermot… Ce pauvre homme aura sa place à la suite de ceux que Théophile Gautier a baptisé Les Grotesques. Ce sera sa manière à lui d’entrer dans la littérature et d’y rester.