Dès la naissance du Kinétoscope et du Cinématographe, les premiers réalisateurs testent les possibilités de l’appareil de prise de vues. Alors que les cinéastes américains usent d'effets discrets pour donner l'impression d'agrandir les décors et minimiser les risques liés aux cascades, en France les expériences fantastiques de Georges Méliès entraînent les effets spéciaux vers le spectaculaire et le film à trucs, qui consiste essentiellement à faire exister à l'écran un miracle visuel sur une base narrative généralement très simple. Dans les premiers temps, les pionniers sont des artisans qui reprennent des techniques photographiques (le fond noir, la surimpression, les caches) ou théâtrales (les décors et accessoires truqués, la pyrotechnie) tout en découvrant de nouvelles techniques propres au cinéma : l’animation image par image, les trucs par arrêt de caméra qui sont à la base de toute disparition, transformation et substitution. Méliès est copié dans le monde entier et, peu à peu, le truc devient une technique comme une autre dans la chaîne de fabrication d’un film. Source : UPOPI (Université populaire des images)
L'arrivée de l'obus dans la Lune. (1902) Méliès, Georges, 1861-1938 (directeur de la photographie) (source : Bibliothèque publique de New York)
Accident d’automobile Comme personne ne pousse l’amour du cinéma jusqu’au point de se faire couper les membres, on est obligé d’employer pour la scène que représente notre chromo un homme privé des jambes jusqu’aux genoux. On l’installe sur une route après avoir ajusté à ses cuisses une paire de jambes postiches. Un automobiliste passe et ... l’ampute de ses membres inférieurs. Le fait que le spectateur voit ensuite la victime de ce terrible accident se promener allègrement sur ses deux jambes, rajustées par l’automobiliste au moyen de quelques clous (sic!) est le résultat d’un escamotage. Un homme normal de physique et d’habits identiques a été substitué, pendant un court arrêt de l’appareil, au faux sinistré.
Catastrophe de chemin de fer Ceci est un très joli truc. La mise en scène est simple, mais pour créer l’illusion absolue, il faut que le train bijou, le pont miniature, qui va s’effondrer sous lui et tous les détails du paysage en plâtre, soient d’une exécution excessivement soigneuse. C’est généralement le cas, et les spectateurs du cinéma tout émotionnés de l’horrible catastrophe qui vient de se produire sous leurs yeux, se demandent parfois avec étonnement comment il est possible qu’un opérateur ait pu assister impassible à la scène poignante et trouver le sang-froid nécessaire pour la photographier !
La dextérité d’un monte-en-l’air Les films cinématographiques sont toujours pris “d’après nature” mais, comme nous venons de le voir, la nature est souvent fortement apprêtée pour les besoins de la cause. Tel est également le cas dans les représentations où d’audacieux “cambrioleurs” grimpent avec une agilité stupéfiante le long des murs jusqu’au faite de maisons à plusieurs étages. En réalité de prodigieux tour de force se réduit à un exercice de tout repos : le cambrioleur rampe simplement par terre sur un décor mobile représentant une façade de maison. L’opérateur, perché sur une échelle au fond de l’atelier, a placé son appareil à un angle, correspondant à une prise normale. Lors du déroulement du film, l’immeuble et les mouvements rampants du cambrioleur apparaissent verticaux et l’illusion est parfaite.
Que de citrouilles roulent de bas en haut d’une rue montante et finissent par s’engouffrer dans une fenêtre ouverte paraît un tour de force magique. L’explication en est très simple. Si on dévide le film à rebours, tous les mouvements représentés sont intervertis. Dans la scène figurée sur notre chromo, les cucurbitacées sont lancés d’une main adroite et descente la pente. L’homme qui paraît les poursuivre court en réalité à reculons, dans la direction du char, mais l’opérateur a soin, en déroulant le film à contre-sens, de produire l’illusion d’une fuite et d’une poursuite.
Qui ne l’a pas encore vue, se glisser en mouvement doux et ondulants à travers algues et poissons dans les profondeurs de la mer ? l’impression produite est saisissante de réalité et pourtant l’artiste qui paraît ainsi nager au fond des eaux n’a pas besoin de se mouiller la pointe des pieds pour provoquer cette illusion. Couchée simplement sur un tapis dont le dessin représente un groupe de plantes aquatiques, elle fend de ses bras des ondes fictives, tandis qu’au plafond fonctionne l’appareil cinématographique. Sur le film qui reproduira les mouvements de la “sirène” ont été photographiés au préalable les habitants d’un aquarium ; les deux séries d’images se fondent lors du déroulement du film et procurent l’illusion connue.
A quoi rêvent les jeunes filles ? Songeuse et souriante, notre trottin se remémore peut-être les accords d’une joyeuse valse ou les splendeurs de quelque féerie du Châtelet ? Soudain, le couvercle de son carton saute et - o merveille! - un groupe de gracieuses danseuses, exécutent une ronde charmante devant ses yeux ébloui. La seconde moitié de notre gravure montre où les danseuses se trouvent en réalité. Le couvercle levé du carton correspond exactement à une ouverture dans la coulisse du théâtre où le film est pris, et c’est à travers cette ouverture que les ballerines, sont photographiées sur un fond noir. Pendant une interruption imperceptible, l’ouverture de la coulisse est substituée au couvercle de la boite et le tour est joué.