Il est assez malaisé de définir, même au point de vue général, ce que c’est qu’un truc. En fait, le truc est une chose insaisissable, et le mot qui représente cette chose semble seulement donner l’idée d’un procédé mécanique par lequel on opère, au théâtre, l’apparition, la disparition, la modification ou la transformation d’un individu ou d’un objet quelconque, sans que le spectateur, surpris par la rapidité de l’opération, puisse se rendre compte des moyens employés pour l’obtenir. Très variés et presque infini dans ses applications, le truc est simple ou compliqué, bon enfant ou rusé, presque toujours mystérieux et inexplicable pour l’œil le plus curieux et le plus attentif. Il s’applique d’ailleurs, comme je l’ai dit’ soit à des objets matériels, soit à êtres animés, soit à des décors ou fragments de décors. Dans les Pilules du Diable, il en faut toujours revenir à ce modèle des féeries, on trouvait toute une étonnante série de trucs, tous plus curieux les uns que les autres. Truc la transformation de Babylas en dindon; truc l’allongement du nez de Magloire, qui s’étirait d’un pied; truc la descente du balcon d’Isabelle, qui la rapprochait de son amant; truc la multiplication indéfinie des lanternes; truc la fourche qui, perçant le ventre de Magloire, lui ressortait par le dos; truc les chaises qui disparaissaient au moment où l’on voulait s’asseoir, pour reparaître d’un autre côté; truc les deux boutiques de l’apothicaire et du marchand de vin, qui prenaient la place l’une de l’autre; truc la maison qui se retournait, et qui paraissait reposer sur son toit; truc l’enflure phénoménale de Seringuinos et, un peu plus tard, le ‘raccommodage’ du personnage dont on rapportait les membres épars et qui, à mesure qu’on rassemblait ceux-ci, s’animait, reprenait vie et se mettait à marcher devant le public. Tout cela, et bien d’autres choses encore, c’est le suc, c’est le fond même de toute féerie, qui, comme l’indique cette qualification, repose sur un élément fantastique et merveilleux qu’il faut faire en sorte de rendre réel aux yeux du public. Il fut un temps où il existait à Paris ce qu’on pourrait appeler des fabricants de trucs, c’est-à-dire des gens qui passaient leur temps à inventer, à imaginer des trucs nouveaux, ingénieux et inconnus, à en construire les maquettes, et qui s’en allaient ensuite chez un producteur, j’allais dire chez un auteur de renom, pour lui soumettre et faire fonctionner devant lui leurs petits chefs-d’œuvre. L’écrivain (?) faisait son choix dans tout cela, achetait la propriété de quelques-unes de ces inventions vraiment curieuses, et fabriquait lui-même ensuite une féerie dans laquelle il faisait entrer ces trucs, qu’on n’avait plus qu’à construire en grand d’après les maquettes. ...
On va apporter sur la scène deux tréteaux en bois, puis cinq planches constituant les éléments d’une grande caisse de 2 mètres de long sur 80 centimètres de largeur. Ces panneaux en bois sont bien mis en évidence ; puis, on s’en sert pour faire le montage de la caisse sur charnières. La voilà montée. Le barnum déclare au public, lequel le croit aisément, que la caisse est complètement vide. Mais il ne se contente pas de le déclarer : il le prouve, en rabattant autour de ses charnières le côté de la boite qui est tourné vers la salle, puis en le relevant. Alors, revenant sur sa déclaration, il affirme que cette caisse soi-disant vide renferme une belle dame. Arrêtant, en effet, ses deux aides qui s’apprêtaient à démonter la caisse, il rabat de nouveau le panneau face au public. Une dame, élégamment vêtue de blanc, est gracieusement couchée dans la boite. Pendant que l’on applaudit, le barnum relève puis le baisse de nouveau, comme pour faire réapparaître le sujet, et, à l’étonnement général, il n’y a plus personne dans la boite. Ce truc est fondé sur un fonctionnement de trappe. Il y a, en effet, une trappe sur scène, en arrière des tréteaux et tout contre eux. En même temps que le barnum relève le panneau de devant, un des aides ouvre le panneau d’arrière. La trappe de la scène s’ouvre ; la femme poussée hors de la trappe s’accroche au bord de la caisse, donne un coup de reins énergique et adroit : la voilà dans la boite. Quelques instants après, ce sera la manœuvre inverse. Sans rentrer dans l’acrobatie proprement dite, l’exécution de ce truc demande, de la part du sujet, beaucoup de vigueur et d’à propos.
Fig. 99. — Combat naval.
Fig. 100. — Mécanisme des bateaux du combat naval. Un combat naval par l'électricité. En 1889, le nouveau Cirque de la rue Saint-Honoré a utilisé les moteurs électriques pour figurer un combat naval en miniature sur la piscine disposée à la place de la piste. D'un côté se trouvait un port de guerre très complet (fig. 99), avec ses quais, sa jetée, son phare et ses fortifications; cette place de guerre était attaquée par une flottille de bateaux, semblables à ceux qui peuplent le bassin des Tuileries, mais habilement mécanisés, de sorte qu'ils pouvaient marcher en avant et en arrière, évoluer dans tous les sens, tirer des
coups de canon et même faire explosion à la fin de la lutte.
Ces résultats variés ont été obtenus par M. Solignac, ingénieur de la Compagnie Popp, en adaptant à chaque bateau deux fils seulement, et en utilisant les machines qui servent à l'éclairage du nouveau Cirque et qui donnent, les unes des courants continus, les autres des courants alternatifs. Chaque bateau est muni d'une hélice (fig. 100), qui assure sa propulsion, et dont les paliers sont fixés à l'extrémité inférieure d'une tige verticale A ; celle-ci est placée dans l'intérieur d'un arbre creux B, qui reçoit le mouvement du moteur électrique M et le transmet à l'hélice au moyen de l'engrenage conique qu'on voit à sa partie inférieure. La tige A est commandée par un mécanisme d'horlogerie C, qui tend sans cesse à l'entrainer et à déplacer l'hélice dans un plan horizontal ; mais, en temps normal, ce mécanisme est arrêté par un échappement à ancre D, commandé par l'électro-aimant E. Tant que la palette de cet électro est attirée, le mécanisme est immobilisé ; dès que le courant cesse, le mécanisme fait tourner l'axe et l'hélice d'un quart de tour. L'électro E est dans le circuit général et n'a qu'une petite résistance, ce qui lui permet de fonctionner avec une faible intensité; le moteur M, qui a une résistance plus grande, est monté en dérivation et ne commence à marcher que pour une intensité plus forte. On peut donc produire l'arrêt ou la rotation du bateau, en intercalant des résistances ou en rompant un instant le circuit. L'artillerie, représentée par un revolver, est actionnée par un troisième électro-aimant, également monté en dérivation, mais polarisé, de sorte qu'il n'agit que s'il reçoit un courant d'un certain sens. Pour produire la marche ou le changement de direction, on envoie des courants continus, d 'un sens tel qu'ils renforcent la polarisation du troisième électro. Chaque fois qu'on veut provoquer un coup de canon,on renverse le courant; le troisième électro se désaimante et abandonne un instant son armature. Remarquons que ce changement de sens ne nuit en rien à la marche du bateau, puisque l'effet des électros E et M est indépendant du sens du courant. Enfin, pour terminer le combat, on met le feu à une torpille, représentée par un pétard, qui fait couler à fond le bateau. Cette explosion est produite par une bobine d'induction, dont le fil primaire est dans le circuit général et dont le fil secondaire contient une amorce électrique. Tant qu'on se sert de courants continus, la bobine ne donne pas de courants induits ; dès qu'on lance le courant alternatif, l'explosion se produit et le bateau coule à pic. Cette petite application, qui obtint un immense succès, était, on le voit, très ingénieusement combinée; elle montre mieux qu'aucune autre les merveilleuses ressources qu'on peut tirer de l'électricité et l'admirable souplesse avec laquelle elle sait se
plier à tous les rôles.
L'électricité au théâtre. Julien Lefèvre. Paris.1894.
A. Grelot, éditeur de l'encyclopédie électrique.
Le truc de la décapitation par la hache, imaginé et combiné par le professeur Gauthier, est effectué sans le concours d’aucune glace. Sur la scène, tendue de noir avec broderies d’argent, comme un catafalque, se trouvent deux billots cylindriques en bois, analogues à ceux qui servirent si longtemps pour les décapitations et qui sont encore employés en Allemagne. Le bourreau apparaît, sinistre, tout de rouge habillé, l’épée au côté, la hache à la main. Les aides, revêtus de la cagoule, amènent le condamné qui semble plus mort que vif. Ils le font agenouiller devant un des billots : il obéit docilement, paraissant à bout de résistance. La hache tournoie, s’abat avec un bruit sourd : la tête roule dans un panier placé près du billot. Le corps décapité, saignant de l’horrible plaie au cou, est agité par les soubresauts de la mort. Le public est invité à venir sur la scène, toucher le corps et la tête avant que l’on ne les emporte, pour s’assurer (ô illusion !) qu’il n’y a pas de supercherie. Voici, pour les initiés, ce qui s’est passé. L’artiste qui joue le rôle du condamné, au moment où les deux aides le font agenouiller, se trouve un instant caché aux yeux du public. Il en profite, ayant le cou très souple, pour introduire sa tête dans une ouverture cachée sur la face supérieure du billot ; en même temps, un des aides sort de sa cagoule une tête en cire admirablement imitée et la place sur le billot : elle semble vraiment rattachée au corps du sujet. Au moment précis où le bourreau abat sa hache, l’artiste se laisse glisser en arrière, d’un coup de reins, et son corps s’allonge, à plat ventre, sur le plancher de l’échafaud : il y trouve une trappe dans laquelle il enfonce sa tête. En même temps, le deuxième aide, passant entre lui et le public, applique contre les épaules un cartonnage représentant un cou coupé. Le cartonnage est bourré d’une éponge imbibée de sang mi-partie liquide, mi-partie coagulé, et cela est si répugnant que personne n’a envie d’y toucher. Ce truc demande beaucoup de prestesse de la part du bourreau et de ses aides, un cou à épine dorsale des plus complaisantes de la part de l’artiste qui joue le rôle du décapité, et enfin une patience extrême de la part de celui qui reste ratatiné dans le second billot : quelle courbature lorsqu’il en sort ! Mais le résultat général est obtenu, et il faut savoir souffrir pour l’amour de l’art et pour toucher un bon cachet par représentation.
Fig. 97. — Course de chevaux (Union Square Theatre)
Fig. 98. — Course de chevaux (Théâtre des Variétés). Courses de chevaux. — Une application très originale de ces moteurs a été inaugurée en 1890, à l'Union Square Theatre de New-York, dans une pièce intitulée : The County Fair (la Foire du Comté) ; l'illusion. Toute la manœuvre s'effectue au moyen d'un tableau placé à droite de la scène. Le dispositif de l'Union Square Theatre présentait cependant quelques défauts. Le même truc a été repris à Paris, au théâtre des Variétés, en 1891, dans Paris port de mer, avec quelques améliorations. Au lieu de courir sur un plancher unique, les chevaux, au nombre de trois, se trouvent sur trois pistes (fig. 98), qui sont formées de bandes sans fin parallèles à la rampe, s'enroulant aux deux bouts sur deux tambours cylindriques de 1,75 m. de diamètre et 0,93 m. de largeur, dont les axes sont distants de 8 mètres. Chaque piste est actionnée par un moteur spécial, placé dans les dessous, et qui fait mouvoir, par l'intermédiaire d'un pignon, une grande roue dentée calée sur l'arbre du tambour moteur; chaque moteur est muni d'un rhéostat placé sur le plancher de la scène, à la portée de l'électricien. Il a fallu donner à chaque cheval une piste particulière, pouvant recevoir une vitesse propre, parce que chacun d'eux possède des qualités propres de résistance et de vitesse. Chaque bande sans fin est formée d'un tapis-brosse, cousu sur une courroie en aloès; elle est soutenue sur toute sa longueur par des rouleaux de bois fous sur leurs axes et qui se touchent presque.
Le déplacement de la toile de fond et de la barrière, en sens contraire de la course, a été conservé. La barrière est formée de barreaux verticaux, distants de 2,50 m. et fixés sur des sabots en bois qui reposent eux-mêmes sur une courroie sans fin. Cette courroie est entraînée par un petit moteur à air comprimé et maintenue par un tendeur; les barreaux s'appliquent contre une lisse fixe, à l'aide d'un fil de fer horizontal, caché aux spectateurs, et s'engagent, à
chaque bout de la scène, dans un guide également fixe, qui représente une haie, et qui cache leur descente ou leur montée.
Les dynamos Gramme, qui servent de moteurs pour entraîner les trois pistes, reçoivent le courant des accumulateurs de la station Popp, située rue Feydeau; elles marchent à 100 volts et avec une intensité variable, suivant les périodes successives de la course. Il faut 90 à 100 ampères au démarrage, pour passer rapidement de l'allure du pas à celle du galop, tandis qu'il suffit de 25 ampères en pleine marche. Il fallait huit ou dix secondes pour la mise en train,
avant le lever du rideau, et le tableau durait environ une minute et demie. Les chevaux prenaient une vitesse de 800 mètres et avaient à peu près la même allure que dans les courses réelles. Cette installation, effectuée par la compagnie Popp, donnait une illusion parfaitement suffisante, et elle a obtenu un vif succès.
L'électricité au théâtre. Julien Lefèvre. Paris.1894. A. Grelot, éditeur de l'encyclopédie électrique.
Destez, Paul (1851-1919). Dessinateur du modèle. Théâtre national de l'Opéra, à propos de La Valkyrie, le truc de la chevauchée : [estampe] / Paul Destez [sig.] ; Lemaire [sig.]. 1893. Source gallica.bnf.fr / BnF
Tilly, Auguste (18..-1898). Graveur. Théâtre des variétés, la course de chevaux dans la revue Paris port de mer : coupe de la scène représentant le mécanisme intérieur qui met les pistes en mouvement : [estampe] / Pojet [sig.] ; E. Tilly sc. [sig.]. 1891. Source gallica.bnf.fr / BnF
Théâtre des Variétés – La course de chevaux dans la revue « Paris port de mer »
La course de chevaux dans la revue des Variétés – Coupe de la scène représentant le mécanisme intérieur qui met les pistes en mouvement
On voit sur la scène un léger trépied se détachant sur un fond tendu d’étoffe rouge. Sur ce trépied se trouve un gros aquarium dans lequel nagent des poissons rouges aussi, des cyprins dorés. Mais ce qui est plus curieux, c’est qu’il y a aussi dans l’eau de l’aquarium une gracieuse tête de femme parfaitement vivante, mais privée de son corps : elle regarde les spectateurs et leur sourit. Voici comment ce truc est réalisé. Le trépied est formé de trois tiges en cuivre doré qui aboutissent, en se croisant, aux sommets de deux triangles formant plate-forme en métal nickelé. Un simple ruban noué parait réunir les trois tiges au point où elles se recoupent ; mais, dans la réalité, elles sont fortement soudées les unes aux autres en ce point. Depuis la plate-forme du bas jusqu’au ruban, l’air circule entre les tiges ; à partir du ruban jusqu’à la partie supérieure, il semble en être de même ; mais les trois faces de la pyramide géométriquement constituée ainsi sont garnies de glaces étamées bien claires doublées d’une tôle d’acier résistante. La femme qui doit jouer le rôle de décapitée s’accroupit entre les glaces, les jambes repliées: on choisit une petite femme dont le corps occupe le moins possible de place ; la tête est encadrée par le couvercle formant la plate-forme supérieure et qui est en deux pièces. On la coiffe alors avec l’aquarium, lequel a l’air rempli d’eau, mais qui est lui-même composé de deux récipients en cristal, l’un au centre, ouvert par le bas et entourant la tête, l’autre ouvert par le haut, et entourant le premier, plein de l’eau dans laquelle nagent les poissons. M. Clément Bannel, l’excellent directeur des Folies-Bergères, à Paris, a présenté à ses spectateurs une illusion analogue qui a excité une vive curiosité. Un torse d’homme et une tête vivante se montrent au public dans une grosse boule que l’on apporte sur la scène et qui est soutenue par un trépied à jour.
Le truc de la ‘Décapitée Parlante’ s’exécute d’une façon semblable au truc de la ‘Femme Araignée’.
SALON ANNEXE DU/ THEATRE ROBERT HOUDIN/ 8, Boulevard des Italiens, 8/ LELLIA/ BUSTE VIVANT/ D'une charmante jeune femme, parlant, chantant et répondant à toutes les questions/ TOUS LES JOURS/ DE 2 A 5 HEURES/ TOUS LES SOIRS/ DE 8 A 10 HEURES Anonyme , Dessinateur Imprimerie Morris père et fils , Imprimeur Entre 1880 et 1900 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
THEÂTRE/ ROBERT-HOUDIN/ 8. Bould. des Italiens/ TOUS LES SOIRS/ GRAND/ SUCCES/ LE/ DECAPITE RECALCITRANT/ Bouffonnerie/ Spirite Anonyme , Dessinateur Lévy, Charles , Imprimeur Après 1888 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Succès sans précèdent ! l'énigme la merveille des merveilles. Illusion nouvelle présentée par Florini du théâtre Robert-Houdin Anonyme, dessinateur. Lévy, Charles, imprimeur. Après 1888. Musée carnavalet.
LE MYSTERE SYLVIA/ Où est le corps? Anonyme , Dessinateur Lévy, Charles , Imprimeur Entre 1882 et 1888 19e siècle Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Roevens, E. (18..-18..). Dessinateur du modèle. Théâtre de la Gaîté. Représentation de Bas-de-Cuir. Les cataractes de d'Hudson (8e tableau), décor de M. Cheret, effet d'eau naturelle de M. Delaporte : [estampe] / E. Roevens [sig.]. 1866.
Source gallica.bnf.fr / BnF Note : Théâtre de la Gaité.-,Représentation de Bas-de-Cuir.- Les cataractes de d’Hudson (8e tableau), décor de M. Cheret, effet d’eau naturelle de M. Delaporte.
Encore un truc de caisse, qui, sous le nom de the flying child, a convenablement rempli celle de quelques barnums aux États-Unis. Sur la scène se trouvent deux caisses d’emballage que l’on fait examiner par des spectateurs de bonne volonté aux yeux desquels se présente, comme dans le classique “songe d’Athalie”, un jeune enfant couvert d’une robe éclatante ; on lui bande les yeux avec un foulard et l’un spectateur lui met dans la main une pièce de monnaie marquée. L’enfant est alors introduit dans une des caisses qui est ficelée au moyen d’une corde venant du cintre, puis accrochée à une poulie à moufle et soulevée à environ 2 mètres au-dessus du plancher. Un des spectateurs de bonne foi et de bonne volonté passe sous la caisse dont la paroi, du côté du public, est ouverte : on y voit l’enfant. On ouvre alors la seconde caisse placée à côté et chacun peut s’assurer qu’elle est vide. De même que la précédente, on la soulève à 2 mètres au-dessus du plancher. A ce moment, le barnum, on pourrait dire, le prestidigitateur, ferme, avec une ficelle, le couvercle de la première caisse ; il compte : un, deux, trois ! rouvre le couvercle, et l’enfant a disparu : la boite est vide, et on la redescend sur le plancher ainsi que l’autre boite. Mais alors on ouvre cette dernière : l’enfant est dedans, et, pour bien prouver son identité, il rend au spectateur la pièce marquée, qu’il lui avait donnée. Voici comment cela s’explique. Lorsque l’on bande les yeux, et une parte de la figure, à l’enfant, cela le rend méconnaissable : il se trouve masqué, de telle sorte qu’un autre enfant revêtu du même costume pourra être pris pour lui. En entrant dans la caisse n°1, l’enfant n°1 laisse couler par une coulisse la pièce marquée qui est attrapée dans le dessous par l’enfant n°2, lequel est introduit par une trappe dans la caisse n°2 dès que l’on fait constater au public qu’elle est vide et au moment de l’enlever. La caisse n°1 a bien l’air d’être une véritable caisse. Mais un de ses côté intérieurement est doublé d’une glace étamée qui en tournant sur charnières la subdivise en deux parties prismatiques. L’enfant n°1 se colle au fond de la boite en y entrant; la glace pivote, et lorsque l’on ouvre la boite n° 1 reposée sur le sol, la limpidité de la glace fait croire au public que cette boite est vide. Lors donc que l’on ouvre la boite n°2 et que l’on y aperçoit l’enfant sosie n°2, on est persuadé que c’est bien l’autre qui s’y est introduit. Ce truc demande un peu d’adresse de la part des enfants employés à le réaliser, et surtout un fonctionnement irréprochable de la trappe de scène qui ne doit ni faire aucun bruit, ni laisser aucun joint apparent dès qu’elle s’est refermée.
Lorsque le voyageur d’un compartiment de chemin de fer situé dans un train immobile en gare voit un autre train se mettre en marche sur les rails voisins, il a la sensation que c’est son propre train qui marche en sens inverse de l’autre, lequel lui parait immobile. M. Amariah Lake, de Pleasantville, dans le New-Jersey, aux États-Unis, a fait, en somme, une application en grand de cette illusion dans le truc qu’il a nommé l’escarpolette diabolique. Une fournée d’une quinzaine de spectateurs est introduite dans une petite pièce en travers de laquelle se trouve un gros “arbre en métal” analogue à une énorme manivelle tournant autour de ses deux extrémités. A cette manivelle est suspendue une grande escarpolette dans laquelle s’embarque les spectateurs. Le ‘Manager’ de l’établissement donne une légère oscillation à l’escarpolette qui se balance doucement, d’avant en arrière et d’arrière en avant, puis il se retire discrètement et ferme la porte d’entrée derrière lui. Alors l’illusion commence. Les passagers de l’escarpolette ont, tout d’abord, l’impression que le balancement va en augmentant, au point de prendre des proportions inquiétantes. Tout à fait inquiétantes, lorsque l’escarpolette, lancée à toute force, fait le tour complet ! Bientôt le mouvement se ralentit ; la chambre diabolique reprend sa position normale, l’escarpolette s’arrête, la porte s’ouvre : on descend bien vite et l’on court vers la sortie. Que s’est-il donc produit pendant cet étonnant séjour dans l’escarpolette. Tout simplement ceci : c’est qu’elle est restée immobile avec son contenu dès que les petites oscillations que lui avait procurées le ‘manager’ ont été amorties. Mais, précisément à ce moment, la grande boite constituant la chambre allait et venait autour d’elle, en prenant des amplitudes croissantes, jusqu’à tourner finalement autour de l’arbre coudé formant l’arbre fixe du décor. Les spectateurs ont donc bien eu l’illusion de tourner sur eux-mêmes, la tête en bas, alors que c’est exactement le contraire qui se produisait.
THEÂTRE/ ROBERT-HOUDIN/ 8 BD DES ITALIENS/ TOUS/ LES/ SOIRS/ L'ESCARPOLETTE/ POLONAISE/ GRAND TRUC/ EXTRAORDINAIRE/ de M.G. MELIES/ LA PLUS ETRANGE/ DISPARITION/ QU'ON AIT JAMAIS FAITE Anonyme , Dessinateur Lévy, Charles , Imprimeur Après 1888 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Fig. 101. — Expérience des esprits frappeurs. Fig. 102. - Détails du guéridon pour l'expérience des esprits frappeurs. L'électricité et la prestidigitation. La facilité avec laquelle l'électricité permet d'obtenir à distance
des effets calorifiques, lumineux et mécaniques, a été bien souvent utilisée dans l'art de la prestidigitation ; les mêmes effets pourraient évidemment trouver leur place sur la scène des théâtres. Le coffret pesant de Robert-Houdin était fondé sur les propriétés des électro-aimants : un coffret, garni d'une plaque de fer doux à la partie inférieure, est placé sur le parquet, sous lequel se trouve dissimulé un fort électro-aimant; très léger lorsque l'électro est inactif, ce coffret est attiré si fortement lorsque le courant passe qu'il devient impossible de le soulever.
Le tambour magique de Robin, qui se mettait à battre sans baguettes ni mécanisme apparent, au seul commandement de l'opérateur, renfermait aussi un électro-aimant, qui recevait le courant par des conducteurs dissimulés le long du support, et qui produisait le roulement par un mécanisme analogue à celui des sonneries. L'électricité peut servir encore à répéter l'expérience des esprits frappeurs ou des voix sépulcrales. On se sert d'un guéridon (fig. 101) présentant à peu près l'apparence ordinaire, mais dans lequel on a ménagé, au point où le pied se divise en trois branches, une cavité qui reçoit un élément de pile Leclanché (fig. 102), de forme ramassée. Le plateau de la table est creux, et fermé à la partie supérieure par une plaque
dont l’épaisseur ne dépasse pas 3 ou 4 millimètres ; ce couvercle porte, collés sur sa face inférieure, un cercle métallique plat, et, au centre, une lame de fer doux servant d'armature à un électro-aimant vertical, qui se trouve logé à la partie supérieure du pied. Au-dessus du cercle plat est fixé, dans l'épaisseur du plateau, un cercle dentelé qui est relié à l'un des pôles de la pile ; l'autre pôle est en relation avec l'électro-aimant et le cercle plat. Il suffit d'appuyer légèrement la main sur la table pour faire fléchir le couvercle; le cercle plat vient toucher le cercle denté et fermer le circuit de la pile f l'électro-aimant attire son armature et produit un
coup sec. Lorsqu'on soulève la main, on rompt le circuit, le couvercle reprend sa position ordinaire, et l'on obtient un autre coup sec. En faisant glisser légèrement la main sur le plateau, on produit une série de contacts avec un certain nombre de dents et un nombre égal d'interruptions, ce qui donne un roulement plus ou moins serré, plus ou moins énergique, suivant l'habileté de l'opérateur. Comme la table renferme tout son mécanisme, elle peut être déplacée et installée en un point quelconque de la scène ou de la salle, ce qui augmente encore
l'illusion. Si elle est fixe, on peut supprimer la pile et actionner l'électro-aimant à distance au moyen d'un interrupteur et de fils dissimulés dans le pied et sous le plancher. Dans ce dernier cas, on peut encore remplacer l'électro par un récepteur téléphonique, le transmetteur microphonique et la pile étant placés dans une salle voisine, et l'on a une table qui parle.
Avec un peu d'exercice, l'aide arrivera facilement à prendre une voix sépulcrale, qui complétera l'illusion. L'électricité au théâtre. Julien Lefèvre. Paris.1894.
A. Grelot, éditeur de l'encyclopédie électrique.
Au pays du rêve : l’Antre des Fantômes
Le “pays du rêve”, plus peuplé de fantôme que de rêves, se trouve constitué par une scène de petit théâtre n’ayant que 2 mètres sur 3 mètres de surface ; elle est tendue de noir, comme l’entrée de quelque lugubre vestibule mortuaire, mais le fond en est fortement et brillamment éclairé. On va, en effet, user des contrastes lumineux. Au fond de la petite scène, il y a une chaise et une table. Le régisseur prie un spectateur intrépide et de bonne volonté de venir s’asseoir sur la chaise et s’accouder sur la table dans l’attitude paisible du “penseur”. Tout aussitôt, un terrifiant fantôme s’approche de lui, lui passe la main sur la tête, l’enveloppe des plis de son suaire, avance, recule, finit par l’embrasser. Les spectateurs frémissent dans la salle, oppressés d’horreur. Quant au personnage de bonne volonté qui est allé s’asseoir sur cette chaise infernale, il ne manifeste pas la moindre émotion. Il reste impassible, souriant, cynique. La raison est simple : il ne voit absolument rien de l’apparition spectrale. Le truc consiste en ceci. Une glace sans tain est placée au milieu de la scène perpendiculairement au plancher et formant un angle de 45 degrés avec le fond du théâtre. Dans la coulisse de gauche, se place l’acteur “déguisé en fantôme”, avec un masque de squelette et enveloppé de linges blancs. Fortement éclairée par un projecteur, son image vient se produire sur la glace sans sans tain, rebondit à 45 degrés, c’est à dire donc perpendiculairement au fond du théâtre, et va se détacher en blanc sur le fond noir, à l’endroit où se trouve assis le spectateur dont le sang-froid défie les spectres. L’illusion est parfaite. 'L’acteur-fantôme', qui voit le sujet assis, alors qu’il n’en est pas vu, se livre, à son égard, à toutes sortes de gestes et fait d’intimidantes contorsions. Le spectateur de bonne volonté est amené de la salle sur la scène en prenant un petit couloir latéral et il est bien convenu avec lui qu’il sera reconduit par le même chemin après que le rideau a été baissé. On a vu, en effet, des sujets, tout fiers de l’ovation que leur valait leur calme intrépide, devenir, pour un instant, acteurs pour tout de bon, se lever, et s’avancer brusquement vers le devant de la scène pour y recueillir les bravos. Mais alors, ils rencontraient sur leur trajet la glace sans tain interposée, se cognaient violemment contre elle, et l’on avait ce spectacle supplémentaire du spectre sortant de la coulisse pour accourir au secours de son comparse inconscient. En tout état de cause, c’est là un truc optique très simple, facile à installer, et fort amusant.
L'acteur, placé dans un trou pratiqué sur le devant de la scène, reçoit d'une lampe électrique, disposée dans une lanterne, un faisceau lumineux très intense, à travers une première glace sans tain inclinée à 45 degrés (fig. 86). Cette glace, fonctionnant comme un miroir, renvoie la lumière émise par la personne éclairée sur une seconde glace parallèle qui la réfléchit à son tour vers les spectateurs. Il se forme ainsi deux images successives A'B' et A"B"; la dernière, qui est seule visible de la salle, est verticale et paraît située sur le plancher du théâtre, si la distance des glaces a été bien calculée. La salle est plongée dans une obscurité complète, pour qu'on ne voie aucun objet se refléter sur la seconde glace.
L'éclairage de la scène est réglé pour qu'on puisse voir simultanément les spectres par réflexion sur la glace et les acteurs par transparence à travers celle-ci.
Les mouvements des spectres doivent être calculés de manière à se combiner avec ceux des acteurs. Les fantômes ainsi obtenus ont un aspect diaphane et transparent qu'on ne peut obtenir par aucun autre procédé; ils laissent apercevoir les objets placés derrière eux ; ils peuvent être impunément maltraités par les acteurs et même transpercés par une épée; enfin il suffit d'ouvrir ou de fermer rapidement la lanterne pour provoquer leur apparition ou leur évanouissement.
Il faut, dans ces expériences, se servir de glaces et non de plaques de verre ordinaire; la moindre aspérité compromettrait la netteté de l'image. On règle l'inclinaison des glaces pour que les spectres paraissent verticaux et en contact avec le plancher pour les spectateurs de l'orchestre et de la première galerie; pour ceux qui occupent les places plus élevées, les images, tout en restant verticales, ne semblent plus toucher le sol. Modifications de l'expérience des spectres.
Depuis les expériences de Robin, le truc des spectres a été bien souvent modifié pour produire de nouvelles illusions d'optique : tels sont le décapité parlant, exhibé pour la première fois en Angleterre par le colonel Stodare, et les nombreuses imitations qui en ont été faites depuis, comme la demi-femme, le buste isolé, la femme à plusieurs têtes, Stella, etc.
L'un de ces trucs, qui a figuré en 1884 au célèbre théâtre de prestidigitation Egyptian Hall, à Londres, était bien amusant. Un médecin et son client se livrent sur la scène à un dialogue des plus animés ; le malade s'étant assis dans un fauteuil, le médecin lui coupe la tête et la pose sur une table. La tête coupée lui adresse alors de vifs reproches, auxquels s'associe, par des gestes énergiques, le corps sans tête, qui s'est levé de son siège. Le décapité prend enfin sa tête sur son bras et continue ainsi la conversation.
Ces expériences et un grand nombre d'autres analogues sont fondées simplement sur l'emploi de miroirs habilement disposés, et n'exigent qu'un éclairage ordinaire; elles n'ont donc rien de commun avec l'électricité et nous ne pourrions les décrire ici sans sortir de notre sujet. Nous citerons seulement comme exemples quelques dispositions qui nécessitent l'éclairage intense de la lumière électrique.
En 1889, on a exhibé, dans les fêtes foraines et dans quelques établissements publics de Paris, une variante des spectres désignée sous le nom d'Amphitrite. L'ouverture circulaire de la scène laisse apercevoir, au fond, une toile représentant le ciel et les nuages, et une toile de premier plan figurant l'eau de la mer. Au commandement du barnum : « Amphitrite, apparaissez ! » une femme en maillot clair s'élève peu à peu au-dessus de l'onde, reste isolée dans l'espace, agite gracieusement les bras et les jambes, et décrit même une circonférence entière; enfin, elle se tient droite dans la position du nageur qui va piquer une tête, et disparaît derrière les flots de l'Océan en carton peint. Cette illusion s'obtient très simplement à l'aide d'une glace sans tain inclinée à 45 degrés ; la femme vêtue d'un costume clair et pailleté est placée dans le dessous, couchée horizontalement sur un plateau absolument noir; elle est vivement éclairée par la lumière électrique, tandis que le décor est beaucoup plus sombre; de cette manière, l'image verticale donnée par la glace est assez vive pour être confondue avec la réalité. Enfin l'ascension, la descente et la rotation de l'image s'obtiennent en communiquant des mouvements du même genre au plateau qui porte la véritable Amphitrite.
Le Mystère du docteur Lynn, exhibé aux Folies-Bergère en 1884, semble produit d'une manière un peu différente. Au milieu d'une scène dont le fond paraît absolument noir, se détache, vivement éclairé, le buste d'une jeune femme, placé sur le banc d'une petite escarpolette. La femme est vivante, et le buste paraît bien isolé, car le barnum passe une baguette au dessous et autour, pour le montrer, et fait osciller légèrement l'escarpolette à droite et à gauche.
Cette illusion pourrait sans doute s'obtenir par des glaces, quoique plus difficilement que les précédentes, puisque le sujet n'est pas immobile. Il paraît plus probable qu'elle est due à un effet d'éclairage, La partie inférieure du buste est un mannequin fixé sur l'escarpolette et sur lequel repose le haut du corps de la jeune femme, qui est étendue à peu près horizontalement sur une planchette ou un hamac perpendiculaire à l'escarpolette et suspendu de manière à
pouvoir osciller avec elle. Cet appareil et le corps du sujet sont soigneusement dissimulés par des draperies d'un noir mat, disposées de façon à n'accrocher la lumière en aucun point. Au contraire, le buste et l'escarpolette sont très vivement éclairés; les cordes brillantes de cette dernière se détachent sur le fond obscur, ainsi qu'une chaîne métallique et une épée nue suspendues au-dessous de la planchette, et un mouchoir blanc tombé comme par hasard sur le devant de la scène. L'œil se porte involontairement sur ces objets qui l'éblouissent et ne distingue plus rien dans le fond très obscur, où se trouve la clef du mystère. Pour achever de gêner la vue des spectateurs, six fortes lampes à réflecteurs sont placées des deux côtés de la
scène, sous le prétexte d'éclairer la salle.
Spectres fondants. Les spectres fondants (Dissolving specters) présentent une modification du dispositif ordinaire des spectres. Ils consistent à faire apparaître, successivement et à la même place, divers objets qui se transforment et se remplacent les uns les autres sans interruption. Robert Houdin a fréquemment employé ce truc et en a tiré de très curieux effets. Cette illusion s'obtient en plaçant un objet sur la scène et un autre dans le dessous ; des glaces sans tain, disposées comme pour les spectres, peuvent donner de ce dernier une image qui coïncidera avec le premier, si les positions ont été bien réglées d'avance. Suivant qu'on éclairera seulement le L'électricité au théâtre. Julien Lefèvre. Paris.1894.
A. Grelot, éditeur de l'encyclopédie électrique.
Fig. 87. — Principe des métempsycoses. Métempsycoses. Les spectres fondants ont reparu depuis quelques années sous le nom de métempsycoses. Au fond d’une grande ouverture, légèrement conique et tendue de noir, on voit une cavité cubique d'environ 60 centimètres de côté, renfermant, par exemple, une tête en plâtre vivement éclairée. Au bout de quelques instants, la tête s'anime, les paupières battent, la peau se colore et la tête de platre est remplacée par une tête de femme parfaitement vivante, qui peut remuer les yeux, la bouche, s'incliner légèrement et même prononcer quelques mots.
Puis, par une transformation inverse, la tête vivante redevient une tête de plâtre, qui se transforme aussitôt à son tour en une affreuse tête de mort. De cette dernière paraît tout à coup sortir un bouquet, et la tête elle-même se change en un vase supportant le bouquet ; le vase devient à son tour un bocal de poissons rouges, qui est enfin remplacé par la tête de plâtre primitive. Il est évident que cette série de transformations pourrait être continuée indéfiniment ; nous nous sommes borné à citer quelques exemples. Il est facile de comprendre que les divers objets ainsi présentés au public sont vus alternativement par réflexion ou directement. Une glace sans tain, verticale, est placée en biais, à 45 degrés environ (fig. 87), en avant de la cavité qui renferme la tête de plâtre A, vivement éclairée par des sources de lumière telles
que L L'. L'autre objet, par exemple la tête de femme, est en B, dissimulé par les parois du théâtre ; il est également bien éclairé. L'objet B est vu par réflexion, A directement. Pendant qu'on éclaire pour la seconde fois la tête de plâtre, on met une tête de mort à la place même qu'occupait la tête de la personne vivante; pendant que cette tête de mort est visible, on peut enlever la tête de plâtre, qui n'est plus éclairée, et la remplacer par le bouquet, puis on continue de même. Il est commode d'employer, pour l'éclairage, de lampes à incandescence, dont on peut régler facilement l'intensité au moyen de rhéostats. L'électricité au théâtre. Julien Lefèvre. Paris.1894.
A. Grelot, éditeur de l'encyclopédie électrique.
La Femme Araignée est un truc imaginé aux États-Unis. En voici le ‘scénario’. Une toile de fond nous montre la façade d’une élégante maison de campagne, avec son perron de plusieurs marches, flanqué de vases de fleurs traditionnels. Le barnum, au lever du rideau, nous conte l’histoire touchante de ce ‘home’ déserté par ses habitants après toutes les péripéties d’un drame intime, et tellement déserté qu’il y a des araignées et des toiles d’araignées partout. Tant et si bien qu’en travers même du perron une énorme toile étend son filet, au milieu de laquelle vous regarde une gigantesque et apocalyptique araignée aux pattes longues et velues. Or, cette araignée a une fort gracieuse tête de femme : le contraste est violent et les personnes qui n’aiment pas les araignées sont saisies d’horreur, d’autant plus que le barnum les émeut par surcroît en donnant les signes d’un effroi mêlé de dégoût. L’illusion est réalisée d’une façon simple. Un miroir incliné à 45 degrés est disposé en travers du perron. Son arête supérieure coïncide avec une des fines cordelettes blanches constituant la toile d’araignée et elle en forme le diamètre. Sur cette arête supérieure du miroir, une échancrure, qui n’est pas sans analogie avec l’échancrure de la macabre lunette de la guillotine, reçoit le cou de l’aimable dame chargée de jouer le rôle de l’araignée en carton avec ses pattes qui vont se griffer dans la toile. L’illusion est complète, car la glace très pure reflète les marches en donnant bien l’image du plein air. La femme, étendue à plat ventre sur une planche inclinée et pouvant se soutenir sur ses avant-bras, est dans une position qui n’est pas trop inconfortable ; elle rappelle aux spectateurs “l’araignée” du bon La Fontaine : L’araignée cependant se campe en un lambris, comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie.
S’il y a quelque chose qui paraisse ne pas pouvoir être éludé, dans les trucs, c’est bien la pesanteur. Voici comment un barnum autrichien donna il y a quelques années une solution satisfaisante du problème. Une planche était supportée sur les dossiers de deux chaises ; sur cette planche une femme était couchée dans une poétique position de repos. Le prestidigitateur faisait quelques passes, soi-disant magnétiques, au-dessus de la femme, retirait une des chaises, puis l’autre ; la planche et la femme restaient suspendues en l’air, sans aucun appui apparent, sans aucun soutien. Une canne passée au-dessous de la planche, puis au-dessus du corps de la femme, le démontrait surabondamment. Rien n’apparaissait ni comme glace, ni comme fil, sur la scène vide, simplement et sobrement drapée, au fond, d’un rideau lourd et sombre à grands plis verticaux. La suspension s’opérait mécaniquement au moyen d’un grand étrier en fer pénétrant dans un logement pratiqué transversalement au milieu de la planche et formant finalement ‘cornière’ avec elle. L’étrier en fer était recouvert d’une draperie de couleur exactement semblable à celle du rideau du fond, sa grande ligne verticale se confondait avec les plis du rideau. Au moment où le prestidigitateur va retirer la première chaise, l’étrier est poussé en avant du cintre ; il entre dans le logement de la planche et s’y assujettit. Voilà la planche avec son fardeau en équilibre. Le prestidigitateur revient alors vers l’autre extrémité de la planche en ayant soin de se mettre ‘de trois quarts’ en passant derrière la tige, afin qu’elle ne se détache pas en noir sur le plastron blanc de sa chemise. Arrivé à l’extrémité, d’un geste audacieux, il enlève la deuxième chaise : rien n’a bougé; la belle endormie continue son rêve à 80 centimètres au-dessus du plancher. C’est alors que, prenant sa baguette magique, l’opérateur la passe et la repasse dans l’espace vide en ayant bien soin de ne pas toucher la tige lorsqu’il fait ces moulinets au-dessus du corps. Cette suspension, exactement calculée pour le poids du corps du sujet, est tout à fait solide et sans aucun danger ; on ne pourrait la soupçonner que si le personnage remuait : mais il n’en a garde. Le rideau tombe au milieu des applaudissements : la belle saute tout aussitôt sur le plancher ; le rideau se relève, et elle se montre bien réveillée et bien vivante, en faisant de gentilles révérences au public et en lui adressant ses plus gracieux sourires. (Barnum : Forain présentant le spectacle d’un artiste ou un phénomène spectaculaire.)
Dans une féerie intitulée les Filles de Neptune, en 1907, M. H.L. Bowdoin, ingénieur américain, a combiné un curieux truc aquatique qui a attiré de nombreux spectateurs à l’Hippodrome de New-York. Il s’agissait, au bord d’un rivage constitué par le contour de la piscine de l’Hippodrome, de faire émerger du sein des eaux (de la véritable eau) le dieu Neptune et son cortège de sirènes. Puis, tous les personnages devaient se replonger dans les flots et y disparaître. M. Bowdoin a résolu le problème en utilisant le principe de la cloche à plongeur dont on se sert pour aller enlever, au moyen d’un séjour dans l’air comprimé, les épaves ou les rochers, qui obstruent les ports et les rades. Au fond de la piscine de l’Hippodrome, il a fixé un certain nombre de cloches à plongeur supportées par des pieds surélevés de façon à laisser un espace d’environ 1 mètre entre le fond de l’eau et le couvercle inférieur de la cloche. C’est par cet espace que s’introduit l’artiste après avoir plongé, soit visiblement devant le public, soit du sein des coulisses, selon les dispositions et les indications du scénario. Une fois dans la cloche, il se trouve en compagnie d’un machiniste, dans l’air comprimé ; il peut respirer à son aise, et de plus, pour le cas d’accident, il y a la lumière électrique et le téléphone à sa portée.
THEÂTRE/ ROBERT-HOUDIN/8. BOULD DES ITALIENS/ LA/ STROUBAÏKA/ PERSANE/ TOUS/ LES/ SOIRS/NOUVEAU/ TRUC/ MERVEILLEUX/ PAR LE PERSAN/ DJELFAH. EL. NADIR/ PRESENTE/ PAR/ M.M. /JACOBS DUPERREY Anonyme , Dessinateur Lévy, Charles , Imprimeur Entre 1882 et 1888 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Mary Louise Fuller, dite Loïe Fuller, est née à Fullersburg (Illinois) le 15 janvier 1862 et décédée à Paris le 1er janvier 1928. La couleur, la lumière, alliées à des gestes rythmiques, sont susceptibles de produire des impressions artistiques fort intéressantes. Elles ont fait, à juste titre, le succès d’une actrice américaine originaire de Chicago, la Loïe Fuller, qui débuta à Paris vers 1892 et charma les spectateurs pendant l’Exposition Universelle de 1900. C’est dans le théâtre d’une petite ville des environs de New-York que cette artiste imagina ce genre nouveau, en 1890. Vêtue d’une robe de soie blanche très légère qui se trouva être trop longue, la Loïe Fuller la retroussa comme elle put, tout en mimant la scène, levant et baissant les bras, tournant sur elle-même le mieux possible. Le public fut enthousiasmé. On cria : ‘C’est un papillon ! C’est une orchidée !’ On applaudit, on redemanda la scène. L’artiste eut le bon esprit de s’apercevoir qu’elle avait, en effet, trouvé quelque chose de fort curieux et qu’il n’y avait plus qu’à perfectionner ce qu’un heureux concours de circonstance avait établi.
Tous les soirs à 10 heures à la Comédie Parisienne. La Loie Fuller. Dans sa création nouvelle Salomé. Van Sluyters, Joseph (dit Georges de Feure) , Dessinateur Imprimerie Paul Lemenil , Imprimeur En 1895 Musée Carnavalet, Histoire de Paris
L’amusant truc de physique combiné par les frères Isola est une application du précieux appareil électrique nommé électro-aimant. L’électro-aimant va permettre au masque de Balsamo de répondre aux questions que le prestidigitateur lui pose. Voici comment. Ce masque de tête humaine est en bois et repose sur un guéridon ; il peut légèrement basculer pour faire des signes d’approbation ou de dénégation. Chose plus extraordinaire, il ne se contente pas de faire ces mouvements sur la scène ; c’est au milieu des spectateurs qu’il opère, alors que le prestidigitateur l’a transporté de la scène dans la salle. Pour cela, dans le menton du masque est logée, d’une manière bien discrète, une petite tige de fer de 5 centimètres de longueur ; un électro-aimant de peu de hauteur, constitué par deux petites bobines, est logé aussi dans la tablette du guéridon, de façon que ses noyaux se trouvent en regard de la petite tige de fer du masque. Le compère qui, dans les dessous, dispose du bouton d’appel, suit tous les gestes et écoute tous les discours du prestidigitateur. Lors donc que celui-ci interroge le masque, ou bien il garde une immobilité farouche, ou bien il bascule et il a l’air de répondre par ses inclinations répétées aux interrogations ; on peut lui faire compter des chiffres, donner l’heure, et malgré la simplicité du dispositif, lorsque tout cela est accompagné de discours appropriés, la représentation ne manque pas d’intérêt.
C’est un élément des plus commodes au théâtre. Le bâton du chef a orchestre fait à volonté le calme et la tempête. Regardez bien M. Piccini, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, c’est le baromètre infaillible. Son bâton est la verge de Moïse : à son moindre geste, le flot se soulève comme un chat qui fait le gros dos ; puis il va de droite à gauche comme le balancier d’un coucou de village. Si le chef de musique sourit en se retournant vers le hautbois, c’est signe de calme plat, mais s’il jette un œil de courroux sur la timbale et sur les trompettes à clé, alors tous les éléments se déchaînent, le vent souffle, le flot, crie, la terre craque... Depuis le Banc de Sable jusqu’au Monstre, le chef d’orchestre a fait couler bas plus de soixante frégates, corvettes, bricks ou bateaux pêcheurs. C’est l’homme de France qui entend le mieux le naufrage : on l’a surnommé l’Eugène de l’orchestre.
Petit dictionnaire des coulisses Publié par Jacques-le-souffleur ‘se vend dans tous les théâtres’ - Paris 1835
Ce qui représente la mer au peuple le plus spirituel de la terre.
Honoré Daumier, Dessinateur-lithographe. Martinet (imprimeur-libraire) , Editeur. Destouches, Pierre Louis Hippolyte , Imprimeur. 19e siècle. Musée Carnavalet, Histoire de Paris
Sous une toile lâche, tendue dans toute l’étendue de la scène et peinte en ‘glauque’, des hommes se placent qui, à un moment donné allongés, et partant rapprochés les uns des autres, s’agitent à peine, et donnent à la surface des flots cette placide mobilité, cette ‘bonace’, qu’indiquent d’ailleurs les larges accords de l’orchestre. Mais soudain le ciel s’assombrit, le froissement des plaques de tôle qu’on agite simulent l’orage et le sifflement du vent, les hommes se lèvent à demi et se baissent sans trop de précipitation ; c’est le premier moutonnement ; puis le remuement s’accentue de plus en plus, et nous entrons en pleine tempête. Alors les ‘moteurs’ s’agitent à qui mieux mieux, l’éclair luit, la foudre éclate, et la malheureuse barque, qu’un chariot amène au milieu de cette danse tumultueuse, court évidement les plus grands périls. Bien que l’exercice auquel se livrent les faiseurs de vagues ne soit pas classé au nombre des professions qui exigent un long apprentissage, encore faut-il de la part de ceux-ci une certaine habitude, pour que l’illusion trouve son compte à la justesse de leur mouvement.
Aussi n’a-t-on pas perdu le souvenir de la réponse que fit certain titi spécialiste ou plutôt fantaisiste, comparaissant à la barre du tribunal sous la prévention de vagabondage :
. Quelle profession ? demande le président à l’inculpé.
. Flot à l’Ambigu, mon président.
La Mosaïque – 1874 - Les trucs au théâtre
Les trucs au théâtre – La mer agitée
Les trucs au théâtre – Le calme de la mer
‘Aimée’, la mouche humaine. Magie, illusions scéniques et divertissements scientifiques, y compris la photographie truquée. 1897.
“Lorsque le bal commençait, le piano était roulé en scène. Un des clowns de la troupe des Hanlon-Lee, costumé en pianiste grotesque, s’installait au clavier, et semblait jouer une valse entrainante. Le son était produit par un véritable piano, disposé non loin, dans la coulisse. Au coup de roulis, on apercevait le clown pianiste, rejeté, tête la première, dans le panneau supérieur du piano qu’il défonçait, puis aussitôt sa tête consternée et ses mains crispées émergeaient du panneau inférieur, en produisant chez les spectateurs un accès de fou rire, tant ce spectacle était inattendu. C’est ce qu’on nomme un meuble truqué et le truc se comprend facilement avec l’aide du dessin en coupe. Le public français se rappelle les apparitions des clowns Hanlon-Lee, aux Folies-Bergère et sur d’autre scènes parisiennes, où ils remportèrent un succès prodigieux.”
La seconde vue dévoilée a pour principe une petite transmission pneumatique. Une jeune dame est amenée sur la scène. Après l’avoir présentée au public, le ‘barnum’ lui bande les yeux et la fait asseoir sur une chaise, au bord de la scène, face au public. En arrière d’elle, est placé un tableau noir. Un spectateur de bonne volonté est prié de monter sur la scène, de tracer à la craie des nombres sur le tableau noir, de les additionner, de les multiplier, d’en extraire les racines. La jeune dame, dès que l’opération est faite, appelle à haute voix, un par un, tous les chiffres du résultat, de la gauche à la droite. Le résultat est obtenu ‘pneumatiquement’ de la façon suivante. Un compère placé dans un trou sous la scène, face au tableau noir, voit le spectateur inscrire ses chiffres. A l’aide d’une poire en caoutchouc et d’un tube aboutissant à un petit piston placé dans la semelle de la bottine d’un des pieds du sujet. Cela demande une extrême rapidité en même temps qu’une grande délicatesse de transmission, que des sujets adroits acquièrent avec un patient entraînement. Finalement, la jeune dame lit les chiffres qui lui sont transmis au contact, comme les télégraphistes exercés lisent au son les signaux du tic-tac de l’appareil télégraphique Morse. Dans une autre disposition combinée par M. Robert Keller, au lieu du tube pneumatique on emploie un électro-aimant.
La ‘tête à l’envers’ est un truc du même ordre que ‘la décapitée aquatique’, réalisé dans des conditions différentes. On aperçoit, lorsque débute la représentation, une grande table. Sur cette table, il y a un coffret en acajou de cinquante centimètres de côté environ. Le ‘barnum’ raconte au public, qui peut approcher de la table et l’entourer, que ce coffret renferme la tête d’une jeune femme décapitée et attachée à l’envers dans son intérieur. Cependant cette tête est, dit-il, vivante : elle entend, elle parle. En effet, il frappe avec une baguette contre la boite et l’on entend sortir des paroles étouffées. Chacun songe déjà à la ventriloquie, lorsque le ‘barnum’ ouvre la serrure de la paroi du coffret qui se trouve vers les spectateurs : cette paroi s’abaisse autour de ses charnières, et à l’intérieur on voit effectivement une tête de femme, “comme au jour de sa mort pompeusement parée”, coiffée à souhait, fardée, ressemblant aux têtes de cire que l’on aperçoit dans les vitrines des coiffeurs. On interroge cette tête : elle répond en souriant à toutes les questions, elle cligne des yeux, elle sourit, elle minaude. Pour obtenir ce résultat, la jeune fille à laquelle appartient la jolie tête est étendue tout de son long à l’intérieur de la table constituant un grand tiroir. A la condition d’être fluette, elle s’y trouve pas trop mal à son aise. Le coffret renferme une glace en biais, à 45 degrés, qui le partage en deux parties : son fond est percé d’une ouverture circulaire qui coïncide avec une ouverture circulaire aussi de la table au-dessous de laquelle se trouve directement le visage du sujet. Deux lampes à incandescence électriques placées à droite et à gauche devant la glace, et que le ‘barnum’ allume brusquement en tournant un commutateur, éclairent violemment la tête et la glace et éblouissent quelque peu les spectateurs. Ils voient, comme le dit le proverbe populaire, “trente-six mille chandelles” et ne distinguent que la tête se détachant sur un fond noir mat, car l’intérieur de la table est garni de drap noir et la jeune personne qui y est étendue est entièrement vêtue de noir, chaussée et gantée de noir, de façon qu’aucune teinte claire ne puisse se refléter dans la glace. Comme la décapitée voit se refléter dans la glace les personnes qui se penchent vers le coffret pour l’interroger, elle peut répondre avec une précision étonnante à toutes les questions que le ‘barnum’ lui fait sur leur costume par exemple et sur les détails de ce costume. (PS : Barnum : Forain présentant le spectacle d’un artiste ou un phénomène spectaculaire.)